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ŒDIPE.

Cet homme, quel est-il ? et qu’a-t-il à me dire ?

JOCASTE.

11 vient de Corinthe, pour t’annoncer que Polybe, ton père, n’est plus, qu’il est mort.

ŒDIPE.

Que dis-tu, étranger ? raconte-moi toi-même la chose.

LE MESSAGER.

Si c’est d’abord là ce que tu désires savoir clairement, je le répète, sois-en certain, il a cessé de vivre.

ŒDIPE.

Sa mort est-elle le résultat d’un crime, ou de la maladie ?

LE MESSAGER.

Le moindre choc abat le corps des vieillards[1].

ŒDIPE.

Ainsi, le malheureux est mort de maladie ?

LE MESSAGER.

Ses jours étaient remplis[2].

ŒDIPE.

Ah ! qui voudrait désormais, ô femme, consulter l’autel prophétique de Delphes ou le chant des oiseaux ? D’après leurs prédictions, je devais tuer mon père, mais il est mort, et repose dans le sein de la terre ; et moi, tranquille à Thèbes, je n’ai point tranché ses jours, à moins que le regret de mon départ ne l’ait mis au tombeau ; ainsi seulement je serais l’auteur de sa mort. Ainsi Polybe est aux enfers, emportant avec lui ces vains oracles.

JOCASTE.

Ne te l’avais-je pas prédit depuis longtemps ?

ŒDIPE.

Tu me l’as dit, il est vrai, mais la crainte égarait ma raison.

  1. Sénèque, Œdipe, v. 787 :
    Animam senilem mollis exsolvit sopor.
  2. Voltaire, Œdipe. Le texte dit : « et aussi du long temps qu’avait duré sa vie. »