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ses paroles ? je ne sais que penser ; mon esprit en suspens ne voit rien dans le présent ni dans le passé qui puisse fixer ses incertitudes. Car quel différend s’est jamais élevé entre les Labdacides et le fils de Polybe[1] ? je n’en ai jamais rien appris, ni jadis, ni aujourd’hui, qui m’autorise à attaquer la renommée si populaire d’Œdipe, pour venger les Labdacides d’un meurtre dont l’auteur est inconnu.

(Antistrophe 2.) Cependant Jupiter et Apollon sont sages, et lisent dans les cœurs des mortels ; mais qu’entre tous les hommes un devin en sache plus que moi, voilà ce que rien ne prouve. Un mortel peut en surpasser un autre en sagesse ; mais jamais je n’ajouterai foi à ceux qui attaquent Œdipe, avant d’avoir des preuves évidentes. Quand jadis la vierge ailée[2] nous apparut, sa sagesse fut reconnue, et il sortit de cette épreuve le sauveur de notre ville : aussi, à mon sens, n’encourra-t-il jamais l’accusation d’impiété.



CRÉON.

Citoyens, informé qu’Œdipe porte contre moi les accusations les plus graves, je viens, pénétré d’une douleur que je ne puis supporter. Si, au milieu de nos malheurs présents, il croit avoir souffert quelque dommage de mes paroles ou de mes actions, je ne saurais plus vivre, chargé d’une telle imputation ; car ce serait pour moi le plus grand et le plus sensible des outrages, de passer pour traître aux yeux de Thèbes, de mes amis et de vous.

LE CHŒUR.

Cette injure a été sans doute arrachée par la colère, bien plus qu’elle ne part de la conviction.

CRÉON.

Mais sur quel indice a-t-il cru que mes conseils ont persuadé au devin de dire des impostures ?

  1. Œdipe passait pour être fils de Polybe, roi de Corinthe.
  2. Le Sphinx.