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(Antistrophe 1.) C’est toi que j’invoque la première, fille de Jupiter, immortelle Minerve, et toi, Diane, sa sœur, protectrice de cette terre, assise au sein des murs de Thèbes sur un trône glorieux[1], toi aussi, redoutable Apollon ! venez tous trois nous secourir ; si jamais, lorsqu’un monstre cruel planait sur notre cité, vous l’avez délivrée de ce fléau destructeur[2], venez encore aujourd’hui.

(Strophe 2.) Grands dieux ! je souffre des maux innombrables ; tout mon peuple languit, et toute la science humaine est impuissante à le secourir ; en effet, les germes ne mûrissent plus dans le sein de la terre, les mères ne peuvent supporter les cruelles douleurs de l’enfantement ; on peut voir les morts tomber l’un après l’autre sur le rivage du dieu des ténèbres, plus vite que l’oiseau rapide, ou que la flamme indomptable[3].

(Antistrophe 2.) Leurs innombrables funérailles dépeuplent la ville ; des monceaux de cadavres, privés de sépulture, gisent, sans être pleurés, sur la terre où règne la mort ; de tendres épouses, des mères blanchies par l’âge, prosternées çà et là au pied des autels, implorent en gémissant le terme de leurs souffrances. Le son éclatant des pæans[4] se mêle aux accents des voix plaintives. Par pitié pour elles, auguste fille de Jupiter, envoie-nous un secours consolateur.

(Strophe 3.) Mets en fuite ce dieu funeste, ce Mars[5] cruel qui, sans fer et sans armes, m’attaque à grands

  1. Pausariias, l. IX, c. 17, parle du temple consacré à Diane, dans la ville de Thèbes. V. aussi Plutarque, Vie d’Aristide, c. 20.
  2. φλόγα πήματος, « la flamme du fléau ; » comme Cicéron a dit, Catilin., I, II, incendium invidiœ ; et de Orat., III, 3, flamma invidiœ.
  3. Κρεῖσσον πύρος. La même expression se retrouve dans Euripide, Hécube, v. 608, où il l’applique à l’anarchie nautique, c’est-à-dire à la soldatesque indisciplinée. — ῎Ορμενον ἀκτὰν πρὸς ἑσπέραν θεοῦ, « tombés sur le rivage du dieu des ténèbres. » Dans Antigone , v. 810, la fille d’Œdipe dit : « Pluton m’entraîne vivante aux bords de l’Achéron. »
  4. Hymnes religieux.
  5. On imputait au dieu Mars tous les fléaux, la peste comme la guerre.