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j’ignorerais le sort[1] des miens, pour moi ce qu’il y a de plus cher.

ÉGISTHE.

Où sont donc ces étrangers ?

ÉLECTRE.

Ils sont dans le palais. Ils y ont trouvé une hôtesse bien chère[2].

ÉGISTHE.

Ont-ils annoncé sa mort comme bien certaine ?

ÉLECTRE.

Ils l’ont bien prouvée, et non pas seulement par des paroles.

ÉGISTHE.

En avons-nous donc des preuves évidentes ?

ÉLECTRE.

Nous en avons certes, et le spectacle en est assez déplorable.

ÉGISTHE.

Tes paroles me comblent de joie, et ce n’est pas ton habitude.

ÉLECTRE.

Va goûter ce plaisir, s’il te paraît si doux.

ÉGISTHE.

Qu’on fasse silence, et qu’on ouvre les portes à tout le peuple de Mycènes et d’Argos, pour qu’il puisse voir, et que, si quelqu’un avait jadis fondé de vaines espérances sur le retour d’Oreste, il apprenne, en voyant aujourd’hui son cadavre[3], à subir mon joug et à revenir de lui-

  1. Συμφορᾶς peut à la fois signifier malheur, et c’est ainsi que l’entend Égisthe, ou succès, et tel est le sens qu’y attache le spectateur. Le double sens est encore dans φιλτάτης, qu’Égisthe applique à la mort de son frère chéri, tandis qu’Électre pense à son retour si désiré.
  2. Le mot κατήνυσαν est aussi à double entente. Hermann l’explique ainsi : Égisthe comprend : Confecerunt (iter) ad amicam hospitam, tandis qu’Électre veut dire : Confecerunt (rem) contra amicam hospitam.
  3. Égisthe s’imagine, d’après les discours ambigus d’Électre, que le cadavre d’Oreste est dans le palais.