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ORESTE.

Silence ; j’entends quelqu’un sortir du palais.

ÉLECTRE[1].

Entrez, ô étrangers ! surtout quand ce que vous apportez ne saurait être ni repoussé, ni reçu avec joie.



LE GOUVERNEUR.

O insensés ! quelle est votre imprudence ! êtes-vous si insouciants de votre vie, ou assez dépourvus de raison naturelle, pour ne pas reconnaître que vous êtes, je ne dis pas près du péril, mais dans le péril même, et le plus imminent ? Et certes, si je n’avais depuis longtemps veillé à cette porte, vos projets auraient, dans l’intérieur du palais, pénétré avant votre personne ; mais à présent j’y ai heureusement pourvu. Laissez donc ces longs entretiens et ces témoignages éternels d’une joie intarissable, et entrez ; car en de telles circonstances tout délai est funeste ; voici le moment d’agir.

ORESTE.

En quel état trouverai-je donc les choses, à mon entrée dans le palais ?

LE GOUVERNEUR.

Tout va bien ; car il se trouve que personne ne te connaît.

ORESTE.

Tu leur as sans doute annoncé ma mort ?

LE GOUVERNEUR.

Ils te comptent parmi les habitants du séjour de Pluton.

ORESTE.

Cette nouvelle les a-t-elle réjouis ? ou que disent-ils !

  1. Au premier bruit qu’elle entend à la porte du palais, Électre, pour éviter d’être surprise, parle à Oreste comme à un étranger. En même temps, ses paroles conservent un double sens ; artifice que les tragiques grecs emploient volontiers dans les situations analogues. Dans toute la dernière scène, les réponses d’Électre à Égisthe en offriront des exemples.