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ORESTE.

Hélas ! quelle est ton existence, sans époux et en proie à la détresse !

ÉLECTRE.

Pourquoi donc jettes-tu sur moi ces regards de tristesse ?

ORESTE.

Ah ! je ne connaissais encore rien de mes malheurs.

ÉLECTRE.

En quoi les as-tu connus par mes paroles ?

ORESTE.

En te voyant parée[1] de tes souffrances.

ÉLECTRE.

Et pourtant tu ne vois que la moindre partie de mes maux.

ORESTE.

Et comment serait-il possible d’en voir de plus cruels ?

ÉLECTRE.

C’est que je suis forcée de vivre avec des meurtriers.

ORESTE.

De qui ? Quel est ce meurtre de qui tu parles.

ÉLECTRE.

Ceux de mon père ; et, de plus, je suis contrainte d’être leur esclave.

ORESTE.

Quel mortel te réduit donc à cette extrémité ?

ÉLECTRE.

On l’appelle ma mère, mais elle n’a rien d’une mère.

ORESTE.

Que fait-elle ? emploie-t-elle la violence ou la faim ?

ÉLECTRE.

La violence et la faim, et toutes les cruautés.

ORESTE.

Et tu n’as personne qui te défende, qui arrête sa fureur ?

  1. ᾿Εμπρέπουσαν. Dans les Choéphores d’Eschyle, Oreste dit d’Électre : πένθει λυγρῷ πρέπουσα, et v. 12, le Chœur des Choéphores, φάρεσιν μελαγχίμοις πρέπουσα.