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donc publie partout que je suis cruelle, insolente, ou pleine d’impudence : car si j’ai ces défauts en partage, je ne démens pas le sang que j’ai reçu de toi[1].

LE CHŒUR.

Je la vois exhaler sa colère ; mais a-t-elle pour s’y livrer de justes motifs ? je ne vois pas qu’on s’en inquiète.

CLYTEMNESTRE.

Et pourquoi m’inquiéterais-je de celle qui outrage ainsi sa mère, et cela à son âge ? Ne voyez-vous pas qu’elle en est venue à tout oser, sans rougir de rien ?

ÉLECTRE.

Sache-le bien pourtant, je rougis de ces emportements, quoique tu penses le contraire ; je l’ai fait pourtant, car je comprends qu’ils ne sont pas de mon âge et ne conviennent pas à mon âge, ni à ma personne. Mais ta haine et ta conduite me contraignent à agir ainsi malgré moi ; car les mauvais exemples enseignent les mauvaises actions.

CLYTEMNESTRE.

Impudente créature, c’est donc moi, ce sont mes paroles et mes actions qui produisent les excès de tes propos !

ÉLECTRE.

C’est toi qui les dis, et non moi ; car tu agis, et les actions engendrent les paroles.

CLYTEMNESTRE.

J’en jure par Diane, tu n’échapperas pas au châtiment que mérite ton audace, aussitôt qu’Égisthe sera de retour.

ÉLECTRE.

Tu le vois, tu t’emportes, après m’avoir permis de tout dire ; tu ne sais pas même m’écouter.

CLYTEMNESTRE.

Quoi ! parce que je t’ai permis de tout dire, tu

  1. C’est le mot de Clytemnestre à Agamemnon, dans l’Iphigénie de Racine, acte IV, sc. 4 :
    Vous ne démentez point une race funeste