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contestation possible, et il faut se hâter de l’accomplir. Mais pendant que je tente cette entreprise, au nom des dieux, gardez-moi le silence ; car si ma mère en est informée, ce n’est pas, je crois, sans péril pour moi que j’oserais encore le tenter.

(Elle sort pour aller au tombeau d’Agamemnon.)



LE CHOEUR.

(Strophe.) Si je ne suis mauvais prophète et si mon esprit n’a perdu le sens, elle s’avance, la Justice, qu’annonce ce songe prophétique[1], portant en ses mains la force au service de l’équité, et bientôt, ô ma fille, elle exercera sa vengeance. La confiance vient d’entrer dans mon cœur, au récit de cet heureux songe. Car jamais ni le roi des Grecs, ton père, ni l’antique hache d’airain, instrument de son indigne supplice, n’oublieront le forfait.

(Antistrophe.) Elle viendra avec ses cent pieds et ses cent bras, la déesse qui se cache sous des pièges terribles, l’infatigable Érinnys[2]. Car la mutuelle passion d’un hymen illégitime, adultère, souillé par le meurtre, s’est emparée de ceux dont la justice divine réprouve l’union. Tant d’horreurs me sont garants que jamais, non jamais le prodige qui nous est apparu ne laissera sans remords les auteurs du crime et leurs complices. Certes, il n’y a plus pour les morts de divination dans les songes effrayants ni les oracles, si cette vision nocturne ne doit avoir pour nous une issue propice.

(Épode.) O course antique et laborieuse de Pélops[3], combien tu as été funeste à cette contrée ! Car depuis

  1. Πρόμαντις Δίκα
  2. La Vengeance divine.
  3. Œnoniaos, père d’Hippodamie, devait donner sa fille en mariage à celui qui le devancerait dans une course de chars. Pélops gagna par ses promesses Myrtilos, cocher de ce prince ; puis, après la victoire, il le jeta lui-même dans les flots. Mercure, père de Myrtilos, vengea la mort de son fils sur les descendants de Pélops.