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Aidès la garderont sous terre, car, du jour où je l’ai reçue de Hektôr, ce très mortel ennemi, rien de bon ne m’est venu des Argiens. Et cette parole est vraie qui est dite communément : les dons d’un ennemi ne sont ni des dons, ni des choses utiles. C’est pourquoi nous saurons désormais céder aux Dieux, nous apprendrons à révérer les Atréides. Pourquoi non ? La grandeur et la puissance cèdent à qui commande ; les hivers neigeux cèdent la place aux étés fructueux ; l’astre de la nuit sombre recule quand le jour resplendit amené par ses chevaux blancs ; et le souffle des vents violents s’apaise sur la mer gémissante ; et le sommeil, qui dompte tous les vivants, délie ceux qu’il avait enchaînés, et il ne les retient pas toujours. Pourquoi nous aussi n’apprendrions-nous pas à être plus modestes ? Pour moi, je l’apprendrai enfin, sachant maintenant qu’il faut haïr notre ennemi, comme s’il pouvait nous aimer de nouveau ; et, d’autre part, j’aimerai un ami et je l’aiderai de mes services, comme si, quelque jour, il pouvait devenir mon ennemi. Pour le plus grand nombre des hommes le port de l’amitié n’est pas sûr. Mais c’est assez. Toi, femme, rentre, et supplie les Dieux afin qu’ils accomplissent ce que je désire. Et vous, compagnons, rendez-moi le même honneur, et dites à Teukros, dès qu’il sera venu, qu’il s’inquiète de nous et qu’il ait un souci égal au vôtre. Et moi, j’irai là où il faut que j’aille. Vous, faites ce que j’ai dit, et vous apprendrez promptement mon salut, tout malheureux que je suis maintenant.

LE CHŒUR.
Strophe.

Je frémis de désir, je bondis d’une haute joie ! Ô