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d’une marge étroite de fin gazon et à distance prudente de toute végétation aquatique, de sorte que l’on voyait de loin briller les soyeux panaches des roseaux et les nymphéas couleur de nacre se balancer endormis au soleil, sans courir le risque de leurs perfides enlacements. Elsbeth alla se baigner à l’heure ordinaire, après avoir donné quelques ordres chez elle, et fait tout haut ses projets pour le lendemain. Elle resta longtemps assise sur l’herbe épaisse et embaumée, regardant à travers les petites vagues rayées de lumière, branches, mousses et buissons S’enlacer de haut en bas dans un curieux désordre de végétation vierge. Le bleu du lac se renforçait si violemment du bleu du ciel qu’elle pouvait se demander où était le ciel, où était le lac, si le paysage renversé sous cette nappe vive n’était qu’un reflet, si la naïade qui l’appelait tout bas comme jadis elle appela le Pêcheur, lui faisait de menteuses promesses. Le vertige de l’eau la maîtrisait. Avec effort elle leva ses yeux fascinés vers les riches pâturages suspendus aux flancs des montagnes qui enserrent de toutes parts ce réservoir limpide, vers les toits rouges des scieries, les gradins polis des ardoisières, les hameaux blottis çà et là dans un pli cultivé,