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aux pétales charnus, largement épanouis, encombraient en toute saison la baie profonde, presque une petite serre, où se tenait ordinairement Elsbeth assise devant sa table à ouvrage. Pas de rideaux, selon la coutume allemande. On apercevait le grand poêle massif indispensable, un piano, quelques portraits de famille, une bibliothèque bien garnie, tous les détails de cet intérieur honnêtement agréable, un peu froid peut-être, par excès de symétrie et de minutieuse propreté.

De sa place, Elsbeth dominait ce qu’on appelle avec indulgence le quartier animé de la ville, cette vieille fontaine d’airain contre laquelle il faut frapper trois coups pour se donner au diable, et qu’assiègent, babillardes, les jolies servantes aux bras nus, aux longues tresses, une cruche en équilibre sur l’épaule ; l’aigle morose et les rébarbatives statues d’empereurs qui décorent la façade de l’ancienne maison des jurandes, transformée en hôtellerie ; ces portiques où, en revenant de l’école, jouent les polissons à l’abri du soleil et de la pluie. Sur le banc hospitalier placé devant la porte, venait volontiers s’asseoir quelque jeune mère berçant son nourrisson dans un pli de la grande mante