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Rodrigue de Villandrando combattait bien pour la couronne de France, et, en dépit de toutes les nausées qu’excitent les saturnales de ses tristes compagnons, il faut retenir les services considérables rendus par lui à la bonne cause, mais il est juste aussi de laisser à son passif les débordements de son existence militaire. Les routiers pesaient non moins lourdement aux populations frémissantes que l’envahisseur lui-même ; ils étaient partout accueillis comme des fléaux : l’on ne trouve nulle trace dans nos historiens d’un souvenir sympathique qui ait béni leur passage. Partout, au contraire, la désolation et la terreur. Pendant la campagne de 1438 et de 1439, que Dom Vaissette raconte assez en détail[1] et sur laquelle nous n’avons pas à insister, le Toulousain, l’Agénois et l’Albigeois, eurent particulièrement à souffrir de la lutte fort confuse où s’escrimèrent à l’envi Jean de Bonnay, sénéchal de Toulouse, les bâtards de Béarn et d’Armagnac, Poton de Saintrailles, et surtout Rodrigue et son lieutenant Salazar. Cette expédition, dirigée officiellement contre les Anglais, avait fini par dégénérer en guerre civile, en excès de tout genre de la part des routiers, et vers 1438 le cri des populations s’élevait si amer, si poignant, que le roi envoya son propre fils, le futur Louis XI, afin de pacifier le Languedoc et surtout de le débarrasser de Rodrigue. Le dauphin Louis assoupit toutes choses avec sa finesse précoce, démêla un écheveau fort embrouillé, louvoya dans ce choc de compétitions féodales, et aboutit en définitive au retour de Saintrailles près du roi et au départ de Rodrigue pour l’Espagne[2]. Il est certains instruments que les pouvoirs éliminent lorsqu’ils ne peuvent les briser. L’exode de

  1. Dom Vaissette, édit. Du Mége, t. VIII, pp. 59 et sq.
  2. Les pauvres États du Gévaudan firent les frais de ces accords : ils se réunirent à Mende en juin 1439 et accordèrent quinze cents écus au Dauphin, pour don de joyeux avènement dans la province, mille écus aux gens d’armes de feu le bâtard de Bourbon, l’âme damnée de Rodrigue dans les dernières guerres, et autant à Poton de Saintrailles. (Quicherat, loc. cit ; Dom Vaissette, édit. Du Mége, VIII, pp. 64 et 462).