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bibliographie

deslivrast des Anglois ; et que ce lui seroit louable mémoire avec les biens qu’il avoit fais. Si leur octroya le conestable ; et après qu’il ot visité l’esglise Nostre-Dame, et fait son pellerinage, il dit aux compaignons qui le conduisaient : « Vous mes chiers compaignons, frères et amis, de l’hostel de mon bon seigneur et maistre le duc de Bourbon, puis qu’il n’a guiéres jusques-là, je vous prie, faictes moi compaignie devant la place, si verrez que nous ferons, car à Dieu le veu, nous les arons, les gars ; et se le souleil y entre, nous y entrerons. » De celle parolle se rirent les compaignons, et dirent que de bon cueur le conduiroient. Adonc se partit du Puy le conestable o sa compaignie, et chevaucha devant Chastelneuf-de-Randon où il mit le siège, mais avant ot dit à ceulx du Puy : « Mes amis, c’est la dernière place angloise que je saiche en mon chemin pour m’en aller. Mais ainçois que je parte, à Dieu le veu, je l’aurai. » Et quant le conestable ot visitée la place, il mist son siège en belle ordonnance et commanda à ceulx du Puy comment ils garnissent le siège de vivres, d’artillerie, et aussi de mangonneaulx et autres engins à gecter léans : si le firent. Et y sist le conestable trois sepmaines, et illec furent faictes de belles emprises d’armes de ceulx du siège, et y estoient plusieurs des seigneurs d’Auvergne et du Velai, qui moult voulentiers entendoient à deslivrer cette place, et en tant que les assaultz se faisoient de ceulx de l’ost à ceulx du chastel par plusieurs jours, eulx voyans que guières ne se povoient tenir, advint que, au quinziesme jour que le conestable ot assiègé cellui chastel, lui print une maladie dont il morut, et les Anglois, qui dedans estoient, voyans que nul remède n’avoit en leur fait, que à la longue ne fussent prins par la force, se rendirent au conestable, que poinct ne scavoient qu’il fust mort, et s’en allèrent où bon leur sembla…


Ce récit, dont l’authenticité a été vainement contestée, puisqu’il émane du sire de Châteaumorand, l’un des seigneurs qui accompagnaient au Puy et à Châteauneuf le connétable, atteste la part considérable prise par les habitants de notre pays à la dernière expédition de Duguesclin. Il est dommage que le chroniqueur ne donne point quelques détails sur les barons vellaves présents au siège. En rapprochant les dates, on voit que Duguesclin arriva au Puy sur la fin de juillet ou dans les premiers jours d’août 1380.