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bertrand de chalancon

armée vellave ne vint qu’en second lieu, après la première poussée de la croisade. Suivant le commun récit du poëte et du chroniqueur, Bertrand de Chalancon réunit dans sa ville épiscopale ou tout au moins dans son diocèse un corps d’expédition très-considérable. Ces troupes prirent à travers le Rouergue, et cette route s’explique par les conditions spéciales du comté de Rodez. Guillaume, le dernier comte, avait fait son héritier Guy d’Auvergne, et ce dernier, à son tour, avait cédé ses droits au comte de Toulouse. Guy d’Auvergne et Raymond de Toulouse se trouvant l’un et l’autre dans les rangs des croisés, le Rouergue offrait à l’armée vellave une série d’étapes commodes et sûres[1].

Du Rouergue les soldats vellaves tirèrent d’abord vers le Languedoc, près de Casser dans le Toulousain, et atteignirent ensuite le bourg de Caussade en Quercy. L’évêque ne fit point le siège de Caussade et de Saint-Antonin : ces deux places du Quercy se rachetèrent par une forte rançon, ce qui déplut fort aux chefs de la croisade et mérita au prélat une verte mercuriale. De Saint-Antonin l’armée vellave déboucha en Agénois et fit sa jonction avec l’autre corps de Guy d’Auvergne, près de Chasseneuil. C’est après cette jonction que survinrent la panique et le désastre de Villemur. De Chasseneuil, les deux corps réunis s’en vinrent à Béziers. Ils prirent part l’un et l’autre à ce terrible assaut du 22 juillet 1209, à ce massacre d’hérétiques, qui est une des hontes et des douleurs de notre histoire[2].

À partir du sac de Béziers les noms des Vellaves et de l’évêque Bertrand disparaissent des chroniques et se noient dans le flot des envahisseurs. On ne retrouve Bertrand de Chalancon qu’en 1211. En cette année, le roi Philippe-Auguste, qui connaissait le Puy pour y être venu en pèlerinage (1188),

  1. Histoire de la maison d’Auvergne, de Baluze, t. I, p. 79. — Études historiques sur le Rouergue, par le baron de Gaujal, Paris, 1859, t. II, p. 88. — D. Vaissette, édition du Mège, t. V, col. 109.
  2. Arnaud a suivi le même itinéraire, d’après D. Vaissette. Voir le t. Ier d’Arnaud, pp. 141 et 145.