Page:Société des amis des sciences, de l’industrie et des arts de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1878, Tome 1.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
documents et notes sur le velay

l’avenir. Les luttes municipales méritent au plus haut point les respects de l’histoire. En effet, ces luttes, aujourd’hui comme aux XIIIe et XIVe siècles, mettent en jeu les vraies tendances, les sentiments les plus intimes de l’humanité. Sur la grande scène politique, à Paris, dans les centres populeux, les théories dominent, les combattants ne se distinguent point dans la fumée de la bataille ; les victoires comme les défaites subissent le commun niveau des principes abstraits, des idées pures. En province, au contraire, à mesure que l’horizon se rétrécit, les froissements d’intérêts, les dissidences d’opinion prennent un caractère âpre et personnel. On se touche de trop près, l’ennemi est le voisin, il est là, on le vise, on le dévore de l’œil. Les coups et les injures vont droit à leur adresse, d’implacables rancunes s’allument, des haines inextinguibles se transmettent de père en fils. C’est l’éternelle querelle des Capulet et des Montaigu. Il en était de même au moyen âge. Le maître, le seigneur, on le voyait soir et matin, on sentait sa griffe toujours présente. La commune résumait les convoitises malsaines et les aspirations légitimes. Dans le consulat ou l’échevinage les victimes incarnaient leurs rancunes traditionnelles, leurs vengeances, leurs espoirs de lendemains meilleurs. Les passions étaient d’autant plus intenses que le théâtre, où elles se donnaient carrière, était moins vaste. Voilà pourquoi les révoltes communales ont le don de nous remuer comme tout ce qui sort nettement et franchement de l’âme humaine. Il y a plus : une haute leçon s’exhale de ces antiques diplômes. Les fortunes diverses, les tempêtes, les haut et les bas des petites républiques bourgeoises nous enseignent une vertu, bien rare à notre époque : la constance. Le consulat anicien est la preuve éloquente que la liberté est fille du temps et des mâles résolutions. De nos jours on vit à la hâte, on campe, le progrès s’improvise, on veut jouir de suite. Les parchemins trop délaissés de nos archives consulaires, en nous racontant les défaites stoïquement endurées par nos aïeux, nous donnent aussi le vrai sens des triomphes qui furent le prix de leur inaltérable patience. C’est surtout

IIe série, 1879.
3