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LES RÉPUBLICAINS ET L’ENSEIGNEMENT 1830-1848

haut que le droit social. « À nos yeux, dit-il, l’enseignement n’est pas une liberté, c’est une fonction ». Toutefois dans la pratique, Flocon accepte le système de Ledru-Rollin, en ajoutant à la collation des grades le contrôle de l’État sur l’enseignement libre : « Nous admettons volontiers que le père de famille puisse donner à ses enfants un enseignement de son choix, pourvu que cet enseignement soit surveillé et contrôlé par l’État, dont l’autorité souveraine ne peut jamais tomber en déchéance ». — Ledru-Rollin répliqua pour défendre sa théorie. « Vous dites que la liberté de l’enseignement est une concession faite par l’État à l’individu. Je soutiens qu’elle est un droit de l’individu. Vous dites que l’État se dépouille d’une partie de son autorité pour l’accorder à l’individu. Je soutiens que l’individu se dépouille d’une partie de ses droits pour subir le contrôle de l’État »[1]. — Remarquons en passant que le régime préconisé par Ledru-Rollin, c’est-à-dire la liberté de l’enseignement avec la collection des grades réservée à l’État, est celui qui existe aujourd’hui. Ledru-Rollin demandait aussi la liberté de l’enseigne- “ment supérieur, en la déclarant beaucoup plus naturelle, beaucoup moins grosse de dangers que la liberté de l’enseignement primaire et secondaire[2].

Ajoutons enfin une idée commune à tous les républicains : c’est que l’éducation ne finit pas au moment où l’on quitte le collège ; c’est que, dans une démocratie bien organisée, la littérature, la presse doivent concourir à entretenir chez l’homme les sentiments généreux et moraux déposés dans le cœur de l’enfant. Tous repoussaient avec énergie la théorie de l’art pour l’art. Le grand sculpteur républicain, David d’Angers, écrivait : « Les artistes ne sont-ils pas nés dans les rangs du peuple ? Il est donc juste qu’ils se fassent les éducateurs du peuple, qu’ils l’élèvent en le charmant, qu’ils parlent à son cœur et le rendent plus pur ». Alexandre Decamps, dans la

  1. Toute cette discussion est dans la Réforme, 22, 23, 24 et 26 décembre 1843. La Réforme, malgré son antipathie pour les doctrinaires et les éclectiques, prit plusieurs fois la défense de l’Université, « Quand nous voyons, écrivait-elle, quelle sorte d’ennemis l’Université doctrinaire rencontre actuellement ; quand nous la voyons exposée à cette indigne réaction de toutes les hypocrisies combinées, hypocrisies politique et religieuse ; quand nous voyons ameutés contre elle ultramontains, légitimistes, conservateurs, apostats de la charbonnerie ; les uns lui faisant la guerre pour leur propre compte, les autres se ruant sur elle au signal qui leur vient d’en haut ; quand nous pénétrons au fond de cette déplorable intrigue et que nous y découvrons une seule pensée, une seule cause, la contre-révolution s’abaissant devant l’Église pour s’en faire un allié douteux ; quand nous assistons à un tel spectacle, nous sommes tentés de nous ranger du côté d’une institution en butte à une persécution si stupide » (7 mai 1844).
  2. Revue indépendante, VIII, 2e série, p. 372.