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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

liberté d’être enseigné, c’est-à-dire le droit qu’ont tous les enfants, pauvres ou riches, de recevoir l’éducation qui développera leurs facultés ; ce droit est supérieur à celui des pères de famille. Que l’État crée l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ; qu’il réorganise l’enseignement secondaire de façon que tout enfant pauvre, d’une capacité reconnue, puisse faire gratuitement des études complètes ; alors on pourra établir la liberté d’enseignement, elle ne sera plus un danger[1]. — Non content de défendre l’Université, le National prenait vigoureusement l’offensive contre ses adversaires ; le philologue Génin, professeur à la Faculté des Lettres de Strasbourg, poursuivit sans relâche dans les colonnes du journal la guerre contre les Jésuites et contre les pamphlets cléricaux, chaque jour plus nombreux, qui flétrissaient l’enseignement universitaire.

Depuis 1843 le National dut partager avec la Réforme la direction du parti républicain. Le nouveau journal aborda aussitôt la question si vivement débattue alors ; il y eut même dissidence entre l’inspirateur de la Réforme, Ledru-Rollin, et le rédacteur en chef Flocon. Ledru-Rollin publia en décembre 1843 sa « Lettre à M. de Lamartine sur l’État, l’Église et l’enseignement ». Le droit social et le droit individuel, dit-il, sont tous deux sacrés ; tous deux recevront nécessairement satisfaction. « L’État, en vertu de son autorité, doit organiser l’enseignement public. L’individu, en vertu de sa liberté, peut organiser un enseignement privé ». Seulement l’État se réservera le soin de conférer les grades qui servent à constater la capacité des maîtres. Actuellement il n’accorde le diplôme donnant le droit d’enseigner qu’à ceux qui ont passé quelques années dans ses collèges ; c’est là une prétention excessive. « Que l’État augmente la sévérité des épreuves, qu’il exige pour l’enseignement des grades plus élevés, une capacité plus grande, j’y applaudirai. Mais il n’a pas le droit de refuser un brevet de capacité à celui qui prouve sa science, quel que soit le lieu où il ait puisé cette science ». Les écrivains démocrates commettent une inconséquence lorsqu’ils refusent la liberté de l’enseignement et réclament la liberté de la presse ; tous les arguments pour ou contre l’une de ces libertés valent pour ou contre l’autre.

Flocon répond qu’il y a danger à placer le droit individuel aussi

  1. 3 novembre 1843. — « Proclamez que l’État doit à tous un enseignement progressif et que cet enseignement intellectuel et moral doit être gratuit à tous les degrés ; vous donnez aujourd’hui pour rien l’instruction primaire, l’instruction supérieure des Facultés : comblez la distance et réalisez cette amélioration pour l’instruction secondaire. Quand cela sera fait, dites hardiment que l’enseignement est libre ; excitez l’émulation par la concurrence, laissez aux méthodes perfectionnées la faculté de se produire » (8 janvier 1844),