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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

maire : solus habel intus quam in fronte. Ce n’est pas seulement une science de formes ; c’est aussi, à le bien entendre, une science de fond. Elle vaut par les lumières qu’elle tire du Code civil et qu’elle répand à son tour sur le Code. Elle est une des expressions de la philosophie du droit, en ce sens qu’elle en interprète l’application et en règle l’exercice. Ainsi devient-elle une partie essentielle, une garantie de la justice ; ainsi justifie-t-elle le jugement qu’en portait Napoléon, lorsqu’il travaillait à en jeter les bases : « Des formes à l’arbitraire, il n’y a pas de milieu ».

Et telle est l’impression que laisse, même aux profanes, le grand Traité de M. Garsonnet. Pour l’homme d’affaires ou l’homme de loi qui cherche des directions et des conseils, le Cours de procédure civile est une mine : les formules pratiques, les indications jurisprudentielles, les décisions s’étagent les unes au-dessus des autres, on notes, au bas des pages : il suffit de chercher et de suivre le filon. Pour le psychologue qu’intéresse la raison des choses, l’ouvrage offre un enseignement d’un ordre moral élevé. Comme les leçons dont il est sorti, il porte la marque du maître : une extraordinaire abondance de documents et une coordination savante, l’esprit de méthode et de critique, la finesse sans subtilités, la richesse sans confusion, la lucidité. Couronné par l’Académie des sciences morales et politiques, le Cours de procédure civile fait autorité.

Aux mérites du juriste et du savant M. Garsonnet joignait le goût de l’action. Homme de devoir avant tout, il l’était simplement, sans éclat ni ostentation de zèle, mais sans défaillance. Sa robuste santé, qui lui permettait de mener de front les travaux du cabinet et les plaisirs du monde, le tenait toujours dispos pour ses obligations professionnelles : quel que fût le moment, quelle que fût la charge, on pouvait compter sur lui. C’est cet esprit d’exactitude, de diligence et de dévouement qu’il porta dans la haute magistrature du décanat. Personnes et choses, aucun intérêt ne lui était étranger. Très attentif au présent, il prévoyait et embrassait l’avenir. Au conseil de l’Université où il siégeait depuis trois ans et dont il était devenu aujourd’hui le vice-Président, il défendait ses idées avec une vigueur, que la contradiction ne desservait point. Ce qu’il y avait d’abord, parfois dans sa parole, comme dans son regard, d’arrêté, de fixe, se détendait au cours de la controverse et s’assouplissait par la discussion. Sa loyauté de galant homme, sa pondération naturelle, la bonne grâce de son esprit resté jeune, tout contribuait à rendre son commerce aussi facile qu’il était sûr et lui gagnait, en même temps que l’estime, une estime profonde, la confiance et la sympathie.

C’est sous ces traits, mon cher Doyen, que j’aime à vous voir au seuil de la séparation douloureuse et que votre souvenir nous restera.


Discours de Discours de M. Gérardin.

Il y a deux ans, j’avais la douce mission et l’honneur d’installer dans ses fonctions de doyen mon collègue et ami Garsonnet. C’est encore moi qui, aujourd’hui, suis chargé du triste devoir de lui adresser nos derniers adieux. Sa perle si inattendue a causé chez tous ses collègues la plus douloureuse surprise, et je viens en leur nom dire la sincérité et l’étendue des regrets qu’a éveillés dans le cœur de tous la disparition prématurée de notre cher doyen.

Eugène Garsonnet, après avoir fait de solides études et obtenu des distinctions universitaires à la Faculté de Paris, était nommé, en 1865, secrétaire de la Conférence des avocats.

L’année suivante, à la suite d’un brillant concours, il était reçu agrégé, et attaché, en cette qualité, à la Faculté de Douai, où il enseignait avec succès le droit romain, et où il inaugurait le cours d’histoire du droit.

Rappelé à Paris en 1870, il conquérait immédiatement par son exquise amabilité l’affection de ses nouveaux collègues, par son zèle et son talent dans les