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LE PROBLÈME DE L’ÉDUCATION SECONDAIRE
(Suite)[1].


M. Émile Bourgeois[2]. — Ce que je demande, c’est la constitution à bref délai d’un enseignement secondaire qui ait sa vie propre, ses programmes adaptés aux besoins, aux ressources des élèves qui le fréquenteront et non pas à la carrière qu’ils pourraient faire plus tard. Je ne lui voudrais pas d’autre titre que celui d’Enseignement secondaire. Tous ceux qu’on s’est ingénié à trouver ont faussé son caractère et jusqu’ici ruiné son avenir. Il n’est pas primaire même supérieur, parce qu’il doit être beaucoup plus qu’élémentaire. Il n’est ni professionnel, ni pratique, ni industriel, ni commercial, parce qu’il doit comme les autres ordres d’enseignement, après avoir donné à tous ses élèves une instruction générale, leur permettre de se distribuer en autant de professions variées que leurs goûts, où leurs ressources les y inviteront. Il n’est pas davantage moderne, ni français, ce qui lui supposerait un caractère utilitaire qui ne doit pas être le sien. Il doit être l’Enseignement secondaire, distribué en cinq années, fortement assis sur une instruction primaire de trois années que je voudrais voir confiée à nos meilleurs maîtres de l’instruction primaire : cinq ans de grammaire et d’éléments des sciences, puis d’humanités et de sciences, Par grammaire et par humanités, j’entends une langue vivante, celle dont l’usage est le plus répandu, l’anglais — le latin, une langue ancienne, le français surtout. — Dans les sciences je voudrais que l’attention portât sur les sciences physiques, chimiques et naturelles, — j’y range la géographie, — sur les mathématiques seulement par ce qui importe, après les éléments, pour la pratique de ces sciences. — En somme, une fusion de l’enseignement moderne actuel et de l’enseignement classique moins l’allemand, moins le grec, moins les exercices qui préparent à écrire on latin, certaine philosophie un peu trop kantienne, et les mathématiques spéciales trop élevées. — Je ne traiterai pas, je n’ai pas l’intention de traiter la question du latin. Sur cette question qui nous divise, je crois qu’il serait facile de s’entendre. Nous avons renoncé au xixe siècle, à parler le latin. Il suffirait pour lui garder sa place dans notre éducation générale qu’on renonçât à l’écrire. Mais j’estime qu’il faut garder une place au latin : parce qu’à côté de sa valeur pour la formation des esprits, de son utilité pour l’intelligence de certaines langues vivantes, de la nôtre d’abord, il a une valeur éducative pour la formation des citoyens libres

  1. Voir Revues des 15 juin, 15 juillet. 15 septembre, 15 octobre, 15 novembre 1898, 15 Janvier, 15 février, 15 mars 1899 (N. de la Réd.).
  2. D’une importante déposition faite par M. Émile Bourgeois, maître de conférences à l’École normale supérieure, nous extrayons les pages suivantes qui la résument, en regrettant de ne pouvoir, faute de place, la reproduire tout entière (N. de la Réd.).