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UNE HÖHERE TÖCHTERSCHULE À HANOVRE

futures institutrices ou de leur ouvrir les portes des Universités. Il veut surtout former des femmes. N’est-ce pas là cet enseignement idéal que rêva un jour M, Anatole France ? « Ne vous flattez pas, dit le subtil académicien, à propos de l’éducation des filles, d’enseigner un grand nombre de choses, Excitez seulement la curiosité. Contents d’ouvrir les esprits, ne les surchargez point. » Mais rel enseignement ne laisse pas de soulever de nombreuses critiques en Allemagne ; on lui reproche d’être incomplet, de ne plus être suffisamment approprié aux nécessités de la vie féminine, de ne pas armer assez fortement pour le « struggle for life » les jeunes filles que les lois de l’accroissement de la population condamnent de plus en plus à vivre dans le célibat. Enfin, chose plus grave, cet enseignement manque souvent son but par la faute des parents. Par un antique préjugé, on attache moins d’importance à l’éducation des filles qu’à celle des garçons et l’on a peine à attendre le moment où la jeune fille quittera l’école. « Comme cette insouciance avec laquelle on dirige l’éducation des filles, dit M. le directeur Lohmann, prend plus tard dans la vie une cruelle revanche et cela sans exception ! Si la jeune fille est appelée à devenir épouse et mère, elle manque souvent de force morale pour accomplir ses différents devoirs, elle est incapable de s’élever intellectuellement au niveau de son époux, de diriger l’éducation des enfants et l’administration du ménage. Si elle manque sa vocation naturelle, si elle doit accepter seule la lutte pour l’existence, il lui manque la force morale nécessaire pour se procurer les moyens de vivre. » Mais si l’école manque ainsi souvent son but par la faute des parents, elle a néanmoins toujours obtenu ce résultat important : elle a façonné aux jeunes filles une âme allemande. L’éducation n’est pas seulement féminine, elle est éminemment nationale : elle veut faire aimer la nationalité allemande, sa langue et sa littérature ; elle veut développer dans les cœurs le patriotisme. Voilà pourquoi une place si grande est faite au sentiment, pourquoi aussi on fait la part si large à l’enseignement de la religion : Fichte n’a-t-1il pas dit que € religion et patriotisme ont mêmes racines ? » Former des âmes allemandes, tel est d’ailleurs le but de l’instruction publique en Allemagne ; l’empereur naguère encore, s’adressant au corps enseignant de Kiel, disait : « Ne soyons ni des Grecs ni des Latins, soyons des Allemands. »