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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

mots : on commence alors l’étude de la grammaire et de la syntaxe. Mais on continue toujours l’enseignement par la vue à côté de l’enseignement par le livre. Voici, entre autres, le sujet d’une leçon faite dans une classe supérieure : le professeur montre aux élèves une vue du boulevard Haussmann, il cite les monuments, les magasins célèbres ; puis il fait l’historique de la rue, il dit ce que fut Haussmann, quel est le rôle d’un préfet ou d’un conseil municipal, il parle de Napoléon III et de son administration. Tous ces développements sont faits en français, et le professeur les fait répéter en français par les élèves à l’aide de questions habiles. Il fait ainsi vraiment une classe de français où l’usage de l’allemand est exclu dans la limite du possible. À côté de cet enseignement oral, le « Lesebuch » est un des éléments essentiels. L’un des plus appréciés est le « Lesebuch » de Kühn, qui comprend trois degrés : élémentaire, moyen, supérieur. La partie la plus importante a pour titre : « Leçons de choses » et a pour but de donner une image de la vie privée en France. Voici une série de titres, empruntée au cours moyen : Petit enfant, Le petit frère, Ma Mère, le Père, L’enfant prodigue, La Veillée, Le courage, Le village, La fête au village, Le dimanche au village, L’église, Le Charlatan, La ville, etc. Ajoutons à cela des lectures sur la géographie et l’histoire de France, les biographies de Duguesclin, de Jeanne d’Arc et d’Henri IV. Mais les extraits sont presque tous empruntés à des contemporains, même à des journaux ou à des écrivains totalement inconnus en France. On y rencontre des énigmes ou des devinettes, même cette phrase étrange : « chat vit rôt, chat mit patte à rôt, rôt trop chaud brûla patte à chat », qui nous amusa tant pendant notre enfance. Il s’agit toujours de joindre le plaisant à l’utile et d’instruire l’enfant en l’amusant. C’est même là une des raisons que donne M. Kühn pour expliquer pourquoi il n’a pas fait d’emprunts à nos écrivains pour la jeunesse : « La littérature française à l’usage de la jeunesse moralise trop ; elle s’adresse trop à l’entendement, trop peu au sentiment et par là elle ne convient pas à notre goût. » Parmi nos poètes, une place considérable est faite à Béranger, qui semble avoir gardé de l’autre côté du Rhin la popularité qu’il a perdue chez nous. Enfin un seul ouvrage classique est mis au programme de la 1re classe, c’est ordinairement l’Athalie de Racine. Tout cet enseignement nous semble régi par le vieil adage : non multa, sed multum.

Tels sont les points les plus caractéristiques dans l’enseignement des « höheren Töchterschulen ». Il est avant tout pratique : il ne tend pas à meubler l’esprit des jeunes filles d’une foule de connaissances théoriques et abstraites ; il n’a pas pour but d’en faire de