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L’ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE CHINOISE

engagé dans la phrase à laquelle il donne sa valeur spéciale ; il est délicat d’y séparer le sens du rôle, puisque le rôle n’est habituellement marqué ni dans l’écriture ni dans la prononciation. Il est vrai que háo jen signifie aimer les hommes et que hào jen veut dire des hommes bons ; ici, la différence phonique bien qu’existante, est rarement notée dans l’écriture ; mais le même hào signifiera aussi la bonté, les bons, être bon, bonnement[1] ; il est assez difficile sous cette unité de forme de se rendre compte de ces emplois multiples et de les rattacher logiquement les uns aux autres ; seul le concept de bonté paraît commun à toutes ces expressions et il ne semble pas qu’une ressemblance formelle, grammaticale, puisse être trouvée entre quelques-unes d’entre elles et les grouper en les opposant à un autre groupe. Encore cet exemple est simple ; mais le mot tchi qui signifie : 1o  aller, 2o  ceci ou lui et 3o  qui est, pour prendre la terminologie usuelle, une marque de génitif, est plus difficile à interpréter[2]. On comprend que, devant cette matière amorphe, ces molécules toutes semblables, ces idées nues et sans revêtement que sont les mots de sa langue, le Chinois, après avoir étudié les particules, se soit arrêté et ait, non pas ignoré, mais tenu pour peu de chose l’élément formel du reste du langage. Cependant, les particules dans la phrase ne sont, si l’on veut, que les parties saillantes du squelette, parties bien engagées dans les tissus, puisqu’il en est fort peu qui ne paraissent à l’occasion comme mots pleins, avec leur sens intrinsèque (nous l’avons vu tout à l’heure pour les mots yi et ki) ; mais il y a d’autres éléments formels, noyés encore davantage dans le tissu même de la phrase, faisant corps avec le sens : ce sont ces variations de prononciation ou de ton (hào, bon ; háo, aimer — ngō, mauvais ; oou, haîr — san oâng, les trois rois ; oáng thien hia, gouverner l’empire) auxquelles je faisais allusion tout à l’heure et qui ont été trop peu étudiées ; c’est aussi cette activité interne du mot chinois qui le rend apte à divers rôles et en fait un antécédent ou un conséquent en raison du rôle même qu’il doit jouer. Ainsi dans tseu tseu (fils-fils), le deuxième tseu joue le rôle d’un verbe et la phrase signifie le fils agit en fils ; dans tseu chou min, aimer le peuple

  1. Jen hào (homme bon) signifie les hommes sont bons ; hào kieou (bon — longtemps) veut dire très longtemps ; ping hào liao (maladie-bon-achever) veut dire la maladie est guérie (liao, marque de passé). — Jen, humain, est, suivant notre terminologie, adjectif : jen jen (humain-homme) un homme humain ; substantif : thi jen, (substance-humain) incarner la vertu d’humanité ; verbe : jen min (humain-peuple) traiter humainement le peuple.
  2. Tchi jen (aller-charge) se rendre à son poste. — Tchi oei (le-dire) cela s’appelle. — Min tchi fou mou (peuple-de-père-mère) père et mère du peuple. – Tchhi tchi tchi fa (gouverner-le-de-moyen), le moyen de gouverner le royaume,