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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

res, il suffit de jeter un coup d’œil sur le sceau de l’Université de Paris, divisé en plusieurs compartiments[1]. Dans la niche d’en haut, la plus large, à la place d’honneur, apparaît la Vierge, Notre-Dame, patronne des universitaires et de l’église où est née la grande école parisienne. À gauche, l’évêque de Paris, tenant sa crosse ; à droite, une sainte entourée du nimbe. Ce sont les personnages importants. Dans les cadres inférieurs plus exigus, se montrent docteurs et écoliers. Le tout est dominé par la croix. Comment cette confrérie vouée à la Vierge, composée de clercs et de religieux, peut-elle personnifier l’élément laïque et l’indépendance de la pensée ?

Il est pourtant vrai que l’Université est née d’un effort vers l’indépendance : mais il s’agissait, pour les associations scolaires, d’échapper au pouvoir ecclésiastique local afin de se mettre exclusivement sous la domination du pouvoir général de la chrétienté, c’est-à-dire du pape. L’Université ne cesse pas, comme les grandes écoles de l’âge précédent, d’être une institution religieuse, mais ce n’est plus une institution diocésaine, placée sous la main de l’évêque ou de son chancelier. C’est un instrument de la puissance romaine : elle représente une diminution de l’épiscopat, un progrès du Saint Siège. Ce sont les papes qui ont créé ou développé les corporations universitaires, quand ils ont voulu prendre possession des écoles et du haut enseignement. Et il est aisé de comprendre pourquoi ils l’ont voulu. Aux mains des évêques et des chapitres, des chanceliers et des écolâtres, le droit d’autoriser l’enseignement était considéré et pratiqué comme une source de profits. Dans beaucoup d’évêchés la haute et noble mission du professorat se trouvait assujettie à des formalités gênantes, étroites, ou même à des conditions tyranniques qui en paralysaient et en dénaturaient l’exercice. La vénalité allait de pair avec l’intolérance : on vendait la capacité d’enseigner, « la licence » : on l’accordait ou on la refusait sans règle, au gré des caprices et des intérêts d’un corps de chanoines, d’un dignitaire diocésain. Une réforme s’imposait, et la papauté se chargea de la faire, naturellement à son profit. L’œuvre était délicate, car, tout en favorisant le développement des Universités, les papes étaient tenus de ménager les évêques et de ne pas trop heurter les traditions. Mais on sait comme leur diplomatie s’en-

  1. Le plus ancien exemplaire de ce sceau que nous possédions, est de 1202 (Arch. nat., K, 964). Cf. Douet d’Arcq, Invent. des sceaux des Arch. nat., no 8015. Mais en admettant que le sceau primitif ne fût pas tout à fait semblable, il devait avoir, pour le moins, un caractère tout aussi religieux.