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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

cats et même d’évêchés en France, et vice versa. Les frontières nationales n’existaient pas pour la puissance ecclésiastique qui avait sa tête et son gouvernement à Rome. L’échange des clercs entre les différents pays devenait un fait d’autant plus fréquent que la papauté commençait à disposer à son gré d’un certain nombre de bénéfices, en France comme partout ailleurs, et y plaçait des étrangers. Il suffit de citer, comme exemples, deux notabilités littéraires et religieuses de la fin du xiie siècle. Tandis que l’Anglais, Jean de Salisbury, gouvernait l’évêché de Chartres, le Français, Pierre de Blois, qui demanda toute sa vie, sans pouvoir l’obtenir, un bénéfice dans son pays natal, surtout à Chartres, était chancelier de l’archevêque de Canterbury et mourut archidiacre de Londres.

L’internationalisme de la population scolaire n’étonnait personne, et les pouvoirs publics, même à Paris, n’y trouvèrent pas d’inconvénients graves, au moins pendant le règne de Philippe-Auguste. Son père, Louis VII, avait eu à se plaindre, cependant, des étudiants étrangers. D’après une lettre de Jean de Salisbury, datée de 1168[1], les étudiants allemands auraient témoigné leur hostilité (au moins en paroles), à la France et au roi qui leur donnait l’hospitalité. « Ils font de grandes phrases, écrit-il, et se gonflent de menaces (minis lument). » Il ajoute qu’ils se moquaient de Louis VII « parce qu’il vivait en bourgeois parmi les siens, qu’il n’avait pas l’allure d’un tyran à la mode des barbares, et qu’on ne le voyait pas toujours entouré de gardes, comme quelqu’un qui craint pour sa vie (ut qui timet capiti suo). Le même auteur affirme que le gouvernement français, vers le même temps, expulsa les étudiants étrangers, mais il cite cet incident comme absolument exceptionnel dans cette France hospitalière « la plus aimable et la plus civilisée de toutes les nations, omnium milissima et civilissima nationum ».

Rien de semblable n’eut lieu sous le gouvernement du vainqueur de Bouvines. C’est pourtant de 1180 à 1223 que commença à se produire, dans les principaux centres scolaires, la transformation capitale, grâce à laquelle les collectivités de maîtres et d’étudiants devinrent des corporations puissantes, capables de lutter avec succès contre toutes les forces hostiles à leur développement. Universitas magistrorum et scolarium : sous ce titre apparaît dans la société ecclésiastique un organe nouveau. Il faut s’entendre sur les origines et la véritable nature du « mouvement universitaire ».

D’abord il va de soi que les éléments constitutifs des Universités existaient bien antérieurement à la formation même de ces corps.

  1. Johannis Sarisber. epist., dans Historiens de France, t. XVI, p. 588.