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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

pédagogie ? » Car il a une telle ignorance de ce que c’est que la pédagogie, qu’il n’a pas même envie de le savoir.

L’ignorance toute pure, c’est un vide qui ne se connaît pas lui-même, qui ne sait pas quelle plénitude il appelle, quelles formes riches et concrètes d’une existence féconde pourraient en lui se développer et s’épanouir.

Or, où le personnel de l’enseignement secondaire, qui est d’autre part plein de dévouement et de vertus professionnelles, où aurait-il appris ce que c’est que la pédagogie, si on ne lui en a jamais demandé et sion ne lui a même jamais donné l’occasion de soupçonner qu’elle fût une étude vivante, émouvante et qu’elle pût lui servir à quelque chose ? Car, à part quelques initiatives auxquelles il faut rendre un hommage très éclatant, à part quelques tentatives comme celle d’introduire une modeste épreuve pédagogique à l’agrégation d’histoire, on n’a demandé aux futurs professeurs que de s’assimiler avec une rapidité hâtée par la concurrence une haute dose de science, mais il n’a pas été question de l’usage qu’ils en auraient à faire.

Dans ces conditions, il n’y a à l’intérieur du personnel tout entier une fois installé aucune vie pédagogique. Et qu’on ne vienne pas me dire que la pédagogie s’apprend bien assez par la pratique, car je soutiens au contraire que l’empirisme pratique est l’ennemi même d’une pédagogie scientifique et on démontre en pédagogie qu’un enseignement qui n’est pas rectifié et rehaussé par la théorie, tombe, en vertu de son propre poids, par une pente et une ornière inévitables, à contre sens de l’orientation requise par une saine éducation.

L’atonie s’établit donc, presque universelle. Par suite, il semble que les discussions pédagogiques qui occupent plus ou moins sérieusement l’opinion publique et alimentent les articles des journaux, passent au-dessus de la tête des principaux intéressés, comme si cela ne les touchait pas et comme si ce n’était pas le moins du monde leur affaire de déterminer ce qu’ils auront à enseigner ; et je ne compte pas pour une intervention de leur part les brillantes consultations que donnent quelques-uns d’entre eux et auxquelles je payais mon très sincère tribut de louanges au commencement de cet article, car la masse du personnel enseignant est là comme le public dans ces réunions dites contradictoires où des orateurs d’avis opposés et de talents divers montent successivement à la tribune et d’où chacun s’en retourne à son gagne-pain et à son train-train journalier sans avoir vu le fond de la question, seulement avec quelques phrases de plus flottant dans la mémoire.

Il n’en irait pas de même si le personnel enseignant savait son métier et croyait de son devoir d’y réfléchir constamment et d’y