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le château de chavaniac

« Nous, députés de l’armée parisienne, nommés par chacune de nos divisions respectives, à l’effet de porter à M. Lafayette, en Auvergne, l’adresse que l’armée lui a votée dans son assemblée général, du 26 octobre 1791, avons, en exécution de l’arrêté pris dans ladite assemblée, rédigé le procès-verbal de notre voyage ainsi qu’il suit :

Partis de Paris, le lundi 31 octobre 1791, nous sommes arrivés à Chavaniac, séjour de M. Lafayette, le samedi suivant.

Nous croyons d’abord faire connaître à nos frères d’armes le lieu qu’a choisi pour sa retraite notre ancien général. Chavaniac est à huit lieues de Brioude, distance de Paris de cent vingt. Ce pays qu’on n’aperçoit qu’en y entrant, a son horizon borné par une chaîne non interrompue de montagnes, dont le sommet était déjà couvert de neiges qui y séjournent les trois quarts de l’année. Le site de ce pays présente le site le plus agreste.

Là nous trouvons M. Lafayette, jouissant au milieu de sa famille d’un repos qui doit lui être bien précieux, après avoir assuré le nôtre. À peine eut-il jeté les yeux sur les couleurs de la liberté (l’uniforme de la garde nationale), que, sans attendre que nous lui eussions annoncé l’objet de notre mission, il nous serra dans ses bras avec ces expressions d’amitié qu’il est inutile d’expliquer à la garde nationale parisienne… Après la lecture de l’adresse dont nous étions porteurs, M. Lafayette nous répondit dans des termes si tendres que, malgré l’impression profonde qu’ils ont laissée dans nos âmes, vouloir les rendre, serait les affaiblir ; mais nous croyons pouvoir dire que l’émotion jusques aux larmes qu’éprouvèrent Mme Lafayette, sa famille et quelques amis présents, ne nous permit pas de rester plus longtemps dans l’attitude d’une contemplation si touchante.

Pendant deux jours que nous avons séjourné à Chavaniac, il n’est pas d’instant où M. Lafayette ne nous ait entretenu de son estime, de son attachement et de sa reconnaissance pour les citoyens de Paris, dont il avait, disait-il, reçu tant de témoignages de confiance, d’une confiance surtout si précieuse dans les temps où ils la lui accordaient. En l’assurant de sentiments de ses frères d’armes, dont il était difficile d’exprimer les regrets, nous lui demandâmes s’ils ne pouvaient espérer de le revoir bientôt parmi eux. « Après avoir partagé vos travaux, vous me voyez, répondit-il, rendu aux lieux qui m’ont vu naître. Je n’en sortirai que pour défendre ou consolider notre liberté commune, si l’on voulait y porter atteinte, et j’espère être fixé ici pour longtemps. »

En effet, nous avons vu que M. Lafayette, à travers des plans d’occupations rurales, était surtout occupé à faire faire dans l’intérieur de sa mai-