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le château de chavaniac

jours de revue, enfin de mon mariage à l’âge de seize ans. »

À cinq ans, Lafayette eut pour précepteur un ecclésiastique de beaucoup d’esprit. À sept ans, son éducation fut confiée à l’abbé Fayon qui, jusqu’au jour de son mariage, devait être son guide, son compagnon, son ami, et dont il ne parla jamais que dans des termes d’une réelle affection.

« Vous me demandez l’époque de mes premiers soupirs vers la gloire et la liberté ; je ne m’en rappelle aucun dans ma vie qui soit antérieur à mon enthousiasme pour des anecdotes glorieuses, à mes projets de courir le monde pour chercher de la réputation. Dès l’âge de huit ans, mon cœur battit pour cette hyène qui fit quelque mal et encore plus de bruit dans notre voisinage et l’espoir de la rencontrer animait mes promenades[1]. »

Le loup, et non la hyène, dont il est ici question, exerçait alors, aux environs de Chavaniac, de grands ravages dont le récit dut hanter singulièrement l’imagination de l’enfant. C’était la fameuse bête du Gévaudan qui fut tuée, le 20 septembre 1765, par M. Antoine, lieutenant des chasses et porte-arquebuse du roi, dans les bois de Pommiers, de la réserve de l’abbaye des Chazes. Les Lafayette avaient fourni au xvie siècle, à cette abbaye, deux abbesses et le futur héros d’Amérique y faisait de fréquentes courses, attiré par ses deux grandes tantes, Marie et Gabrielle Motier de Champétières, qui conservaient dans ce cloître les traditions de la famille.

Tous les historiens ont prétendu qu’après avoir quitté Chavaniac, à l’âge de onze ans, Lafayette n’y serait revenu qu’en 1783 à son retour d’Amérique. Comment aurait-il pu laisser écouler une aussi longue période sans venir embrasser sa grand’mère, ses tantes, surtout Mme de Chavaniac, qui tint surtout une grande place dans son affection ? Deux fois, au moins, il leur consacra ses vacances. Il se trouvait auprès d’elles, lorsqu’il atteignit sa seizième année, époque où fut décidé son mariage avec Marie-

  1. Mémoires de Lafayette, t. I, p. 8.