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les rochebaron

d’être simple. Or la simplicité, cet attribut des maîtres, ne vient guère à ceux qui s’écoutent, contournent leur pensée, martèlent leur style. Prenez, par exemple, Amyot, Montaigne, Mme de Sévigné, Saint-Simon, et, en remontant plus haut, Villon et Comines. Voilà des gens qui ont écrit un peu à la diable, sans se raturer, au vol de la plume. Ils avaient quelque chose à dire et ils l’ont dit comme cela leur venait. Aussi quel charme et quelle sève dans ces écrivains de premier saut ! Le souci de la forme, l’arrangement des termes, la cadence et le rythme de la période constituent des éléments indispensables à toute production de l’esprit. C’est de l’art à proprement parler. Eh bien ! l’art est toujours un peu cherché, prémédité, voulu, l’artiste pense à son public, il se farde, il se grime, il se fait beau pour ses lecteurs ou auditeurs. Il veut les surprendre et les séduire. La littérature, qui n’est que de la littérature, sent trop le théâtre et la rhétorique.

Nous préférons de beaucoup ces auteurs de hasard, qui n’ont vu dans le style que l’instrument de leur pensée, dans le langage que la traduction de leur être intérieur et ont écrit comme ils parlaient, comme ils sentaient. Un beau jour, ils ont dû sortir d’eux-mêmes et leur plume a couru, libre, dédaigneuse, insoucieuse. Ils ont été écrivains sans le savoir. Au premier rang de ces œuvres de rencontre et presque inconscientes, il faut mettre les Mémoires, c’est-à-dire les confidences intimes où l’homme du monde se raconte lui-même et redit ce qu’il a vu dans sa carrière. Les Mémoires se prêtent admirablement au génie de notre idiome, fait pour le récit et le conte ; ils se prêtent surtout aux effusions des âmes honnêtes et généreuses. Nous avons dans ce genre une série de compositions naïves et sincères dont aucune littérature exotique n’offre le pendant. Après les Mémoires et toujours dans cette veine originale, nous placerions, suivant notre goût, les écrits des hommes d’État, les dépêches des ministres, les relations des généraux et des ambassadeurs. Nos dépôts publics regorgent de documents de cet ordre et, depuis qu’une décision