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documents et notes sur le velay

Pierre de Fay fut des plus malheureuses. Il perdit la raison et laissa le gouvernement de ses domaines à sa femme, Agnès. C’est cette dame qui eut la plus grande part à la tragique aventure dont nous allons faire le récit.

Oddo de Gissey rapporte d’une manière très inexacte l’événement que nous allons restituer sous son vrai jour : « Tost après, dit notre hagiographe, que Frédol fut évesque, Ponce Comptor de Chateul s’acheminant outre mer en la terre saincte, institua son héritier l’évesque du Puy, en cas qu’il y mourust, comme il fit. C’est pourquoy Frédol s’investit et saisit de ce comptorat l’an 1288[1]. » Les choses ne se passèrent point de la sorte, et notre titre démontre une fois de plus combien il est utile, en matière de recherches, de se défier même de l’honnête et consciencieux jésuite et de recourir, quand on le peut, aux sources.

Oddo de Gissey raconte la légende. Voici la vérité.

Vers l’année 1240, la démence de Pierre de Fay en était venue à ce point que sa famille avait dû le faire enfermer d’abord dans son château, puis dans un lieu dit du Monteil (paroisse de Saint-Julien-Chapteuil), et enfin dans le couvent de Saint-Chaffre. La baronnie était gouvernée par la femme de l’insensé, cette dame du nom d’Agnès, qui semble avoir porté à son comble la violence des mœurs féodales. Le fils d’Agnès et de Pierre de Fay était encore bien jeune, puisqu’il portait encore en 1253 le titre de damoiseau. À cette même époque, Bernard de Montaigu, sorti d’une grande maison d’Auvergne, occupait le siège du Puy. C’était un prélat de haute piété, mais du plus ferme caractère. Les instincts de sa race et les devoirs de sa souveraineté temporelle faisaient de lui l’ennemi implacable de toutes les tyrannies de clocher dont le diocèse du Puy avait tant à souffrir. Il donna un grand exemple de son esprit de justice dans les circonstances suivantes.

L’événement qui est le sujet de notre récit s’accomplit-il en

  1. Discours historiques, édit. de 1644, p. 403.