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c’était de laisser au cultivateur la parfaite et entière liberté de préférer le genre de culture qui lui semblait le plus lucratif, ce dont il était à portée de bien juger plus que personne ; qu’en tirant de sa terre le plus gros profit possible, il ne pouvait pas s’enrichir sans contribuer par là à l’accroissement de la richesse publique. Il ajoutait que pour un pays environné de côtes et qui disposait d’un aussi vaste et aussi puissant établissement maritime que l’Angleterre, il ne pouvait jamais y avoir lieu à craindre de manquer de subsistances, attendu que tous les pays qui en produisaient à meilleur marché qu’elle s’empresseraient toujours de lui en envoyer et y trouvaient leur intérêt ; qu’en conséquence il serait toujours plus profitable, tant pour l’agriculteur que pour la chose publique, de consacrer la terre labourable à la production des prairies artificielles et des substances propres à multiplier les bestiaux, dont la peau, le cuir, le suif et la viande salée servaient à donner plus d’emploi aux manufactures et au commerce étranger, les deux grandes sources de la prospérité anglaise. Cette dernière opinion fut celle qui détermina la conduite de l’administration. On autorisa toutes les demandes en clôture ; une grande partie des terres à blé fut convertie en un autre genre d’exploitation, et la nation fut de nouveau obligée à demander aux étrangers une portion considérable des grains nécessaires à sa consommation annuelle. Le gouvernement se trouva même dans la nécessité d’y appeler l’importation du blé étranger et d’y attacher une prime considérable en faveur du marchand importateur : les besoins furent tels, qu’en 1795 un ministre déclara qu’il avait été payé dix millions sterling pour assurer l’approvisionnement des grains pour une seule année.

Il se manifesta alors une révolution extraordinaire dans le prix moyen du blé en argent sur les marchés de l’Angleterre. Ce prix, qui pendant les quatre-vingt-dix premières années du dix-huitième siècle, comme dans tout le cours du dix-septième, avait été de 40 à 42 schellings, s’éleva depuis 1794 à plus du double de ce prix, et resta pendant toutes les dernières années de ce siècle, ainsi que pendant les dix premières du dix-neuvième, à un prix deux fois et demie plus haut qu’on ne l’avait vu dans les précédentes périodes, et hors de toute proportion avec ce qu’il était dans les autres contrées de l’Europe.

On pouvait expliquer ce phénomène par plusieurs causes qui con-