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vailler pour rendre leur vie plus heureuse dans le présent et mieux assurée pour l’avenir. Mais que pourrait-on inférer de ces observations pour affaiblir la gloire que s’est acquise Adam Smith par son immortel ouvrage sur la Richesse des nations ?

Il y a autour de nous une multitude de faits qui se présentent si fréquemment qu’ils frappent tous les yeux ; mais entre les faits les plus communs il existe souvent d’importantes relations qui demeurent inaperçues jusqu’au moment où un habile et profond observateur parvient à les découvrir et à les révéler à son siècle. Il y a des vérités morales tellement évidentes, qu’il n’est guère d’esprits auxquels elles échappent ; mais quelquefois les vérités les plus vulgaires sont fécondes en conséquences de la plus grande utilité, et ces conséquences restent cachées jusqu’à ce que la méditation de l’homme de génie, s’attachant à ce principe, s’obstine à le creuser et finit par mettre au jour les trésors qui y étaient renfermés. Dès ce moment la science est créée et commence à répandre ses premiers bienfaits. Longtemps avant qu’il existât des mathématiques, il est probable que les hommes pratiquaient des méthodes informes pour combiner les quantités et mesurer les surfaces. Avant que les premiers éléments de l’astronomie fussent connus, les pâtres avaient remarqué que le soleil décrivait chaque jour sur leur horizon une portion de cercle qui s’élevait et qui s’abaissait aux différentes saisons de l’année. Les études et les aperçus d’un grand homme fécondent ces germes perdus et en font éclore la science. Cet homme donne une grande impulsion à toute la société dont il est membre. La découverte qu’il a faite devient la propriété de tous ; transmise par la voie seule de l’enseignement à la génération suivante, cette génération a déjà fait un pas immense et se trouve tout à coup portée à un degré d’élévation dont ses ancêtres n’avaient aucune idée.

Adam Smith s’est emparé d’une vérité triviale, et sous ses mains cette vérité est devenue une mine inépuisable. Qui, avant lui, avait imaginé de considérer philosophiquement la nature et les effets du travail ? Qui avait observé comment son énergie grandit et se développe, quand son action, distribuée sur les diverses parties d’un même ouvrage, s’exerce séparément sur chacune d’elles ? Qui avait trouvé les rapports naturels qui subsistent entre le travail et les valeurs qu’il a produites, de manière à ce que le premier puisse servir de mesure aux secondes ? Qui avait remonté jusqu’au principe qui donne l’im-