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leurs concitoyens, pour les deux articles les plus forts et les plus importants du produit de la terre, le pain et la viande de boucherie. Ces encouragements, quoique peut-être au fond absolument illusoires, comme je tâcherai de le faire voir par la suite[1], sont au moins une preuve de la bonne intention qu’a la législature de favoriser l’agriculture. Mais un encouragement qui est d’une bien plus grande importance que tout le reste, c’est qu’en Angleterre la classe des paysans jouit de toute la sûreté, de toute l’indépendance et de toute la considération que lui peut procurer la loi. Ainsi, pour un pays où le droit de primogéniture a lieu, où on paye la dîme, et où la méthode de perpétuer les propriétaires, quoique contraire à l’esprit de la loi, est admise en certains cas, il est impossible de donner à l’agriculture plus d’encouragement que ne lui en donne l’Angleterre ; telle est pourtant, malgré tout cela, l’état de sa culture. Que serait-il donc si la loi n’eût pas donné d’encouragement direct à l’agriculture, outre celui qui procède indirectement des progrès du commerce, et si elle eût laissé la classe des paysans dans la condition où on les laisse dans la plupart des pays de l’Europe ? Il y a aujourd’hui plus de deux cents ans d’écoulés depuis le commencement du règne d’Élisabeth, et c’est une période aussi longue que puisse la supporter habituellement le cours des prospérités humaines.

La France paraît avoir eu une partie considérable du commerce étranger, près d’un siècle avant que l’Angleterre fût distinguée comme pays commerçant. La marine de France est importante, suivant les connaissances qu’on pouvait avoir alors, dès avant l’expédition de Charles VIII à Naples. Néanmoins, la culture et l’amélioration sont, en France, généralement au-dessous de ce qu’elles sont en Angleterre. C’est que les lois du pays n’ont jamais donné le même encouragement direct à l’agriculture.

Le commerce étranger de l’Espagne et du Portugal avec les autres nations de l’Europe, quoiqu’il se fasse principalement par des vaisseaux étrangers, est néanmoins considérable. Ces deux pays font le commerce de leurs colonies sur leurs propres bâtiments, et ce commerce est encore beaucoup plus grand que l’autre, à cause de la richesse et de l’étendue de ces colonies ; mais tout ce commerce n’a jamais introduit, dans aucun de ces deux pays, de manufactures considérables pour la

  1. Liv. IV, chap. 2, 5 et 8.