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mée aux bourgeois de la même manière qu’elle l’avait été aux autres fermiers, pour un certain nombre d’années seulement. Cependant, par la suite des temps, il paraît que la pratique générale fut de la leur donner à cens, c’est-à-dire pour toujours, moyennant la réserve d’une rente fixe qui ne pouvait plus être augmentée. Le payement ayant été ainsi rendu perpétuel, les exemptions qui en étaient l’objet devinrent aussi naturellement perpétuelles. Ces exemptions cessèrent donc d’être personnelles et ne purent plus ensuite être censées appartenir à des individus, comme individus, mais comme bourgeois d’un bourg particulier, qui fut appelé pour cela bourg franc, par la même raison que les individus avaient été nommés francs marchands ou francs bourgeois.

Les bourgeois de la ville à laquelle cette franchise fut accordée eurent aussi, généralement, en même temps les privilèges importants dont nous avons parlé plus haut, c’est-à-dire de pouvoir marier leurs filles hors de l’endroit, de transmettre leur succession à leurs enfants et de disposer de leurs biens par testament. Ce que je ne sais pas, c’est si ces privilèges avaient été habituellement accordés en même temps que la franchise du commerce aux bourgeois individuellement. Je le regarde comme assez probable, quoique je ne puisse en produire aucun témoignage direct ; mais, quoi qu’il en puisse être, les principaux caractères de la servitude et du villenage leur ayant été ainsi ôtés, ils devinrent au moins alors véritablement libres, dans le sens qu’on attache au mot d’hommes libres.

Ce ne fut pas tout ; ils furent en général, dans le même temps, érigés en communautés ou corporations, avec le privilège d’avoir leurs magistrats et leur propre conseil de ville, de faire des statuts pour leur régime intérieur, de construire des murs pour leur propre défense, et de ranger tous leurs habitants sous une espèce de discipline militaire, en les obligeant de faire le guet ou la garde, c’est-à-dire, suivant l’ancienne signification, de garder et de défendre leurs murs contre toutes les attaques et surprises de nuit comme de jour. En Angleterre, ils furent généralement affranchis de la juridiction du comte et du centenier[1], et toutes les causes qui pouvaient s’élever entre eux, excepté

  1. Le centenier était l’officier civil et militaire établi sur dix dizaines, chaque dizaine étant composée de dix familles ou de dix hommes libres. Au-dessus de tous les centeniers d’un comté était le comte, ou le shérif son lieutenant, qui exerçait de même les fonctions civiles et militaires.