Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/576

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme aucune tenure à bail ne donne de vote pour élire un membre du parlement, la classe des ’’paysans’’ est, sous ce rapport, moins considérée par les propriétaires qu’elle ne l’est en Angleterre[1].

  1. « Si le Dr Smith avait dit que la privation de la franchise électorale rendait les paysans d’Écosse moins utiles, au lieu de moins respectables, à leurs propriétaires, il n’y aurait rien à reprendre à son observation. L’acte de la réforme accorde le droit de voter à tout tenancier affermant une terre de 50 livres sterling par an, aussi bien en Écosse qu’en Angleterre, et personne connaissant l’état de l’Écosse avant et depuis la réforme, n’osera dire qu’elle a rendu les fermiers plus respectables aux yeux de leurs propriétaires. Il est certain qu’elle a eu des effets tout contraires ; et, quelles que soient ses conséquences sous d’autres rapports, elle a déjà exercé et continuera d’exercer, il y a tout lieu de le penser, une influence pernicieuse sur les intérêts des fermiers et de l’agriculture. Autrefois les propriétaires d’Écosse s’inquiétaient rarement des opinions politiques de leurs tenanciers, et pourvu qu’ils payassent leur terme et gouvernassent leurs terres conformément aux stipulations de leurs baux, ils pouvaient être du parti politique et religieux qui leur plaisait. Il en est devenu tout autrement depuis. Les propriétaires désireux, comme tout le monde, d’étendre leur influence politique, veulent contrôler et même commander les suffrages de leurs tenanciers, et multiplier sur leurs domaines les électeurs dépendants. Pour obtenir ces résultats, ils n’ont pas scrupule, en beaucoup de cas, d’employer un système d’intimidation et de prendre des mesures vindicatives contre les tenanciers qui ont voté contrairement à leurs vœux. Mais cet inconvénient, quoique le plus sensible aujourd’hui, est encore le moindre des maux qui résulte du nouvel état de choses. Il a déjà conduit, en plusieurs cas, à changer le mode suivant lequel on affermait les terres jusque-là, et il y a bien des raisons de craindre qu’il ne fasse disparaître à la fin le système d’accorder des baux de dix-neuf et vingt ans assurés, système qui a été l’unique cause des merveilleux progrès de l’agriculture en Écosse. Dans un grand nombre de cas, il a aussi amené la subdivision des fermes, dans le seul but de créer des électeurs. Et quoique faite avec de bonnes intentions, l’extension du suffrage aux tenanciers est un des coups les plus funestes qui aient été portés à leur indépendance et à la prospérité de l’agriculture. Les tenanciers, comme tels, sont la dernière classe de citoyens auxquels la franchise électorale devrait être accordée. La plupart d’entre eux sont engagés envers leurs propriétaires et dépendent absolument d’eux ; et le petit nombre de ceux qui sont indépendants ne le sont que parce qu’ils ont acquis de la propriété, et auraient possédé cette franchise, si on l’avait accordée, comme on aurait dû le faire, à ceux-là seulement qui possédaient une certaine quantité de propriété indépendante. Si le meilleur système électoral est celui qui amène au scrutin le plus grand nombre d’électeurs indépendants, et en éloigne le plus grand nombre de ceux qui sont dépendants, l’extension de la franchise aux tenanciers et occupants de terres seigneuriales doit être le système le pire de tous, car de toutes les classes de la société celle-là est la plus dépendante, celle qui est le plus à la merci d’autrui. Mac Culloch.