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pèce de cultivateurs de consacrer à des améliorations ultérieures aucune partie du petit capital qu’ils pouvaient épargner sur leur part du produit, parce que le seigneur, sans y rien placer de son côté, aurait également gagné sa moitié dans ce surcroît de produit. La dîme, qui n’est pourtant qu’un dixième du produit, est regardée comme un très-grand obstacle à l’amélioration de la culture ; par conséquent, un impôt qui s’élevait à la moitié devait y mettre une barrière absolue. Ce pouvait bien être l’intérêt du métayer de faire produire à la terre autant qu’elle pouvait rendre, avec le capital fourni par le propriétaire ; mais ce ne pouvait jamais être son intérêt d’y mêler quelque chose du sien propre. En France, où l’on dit qu’il y a cinq parties sur six, dans la totalité du royaume, qui sont encore exploitées par ce genre de cultivateurs, les propriétaires se plaignent que leurs métayers saisissent toutes les occasions d’employer leurs bestiaux de labour à faire des charrois plutôt qu’à la culture, parce que, dans le premier cas, tout le profit qu’ils font est pour eux, et que, dans l’autre, ils le font de moitié avec leur propriétaire. Cette espèce de tenanciers subsiste encore dans quelques endroits de l’Écosse ; on les appelle Tenanciers à l’arc-de-fer[1]. Ces anciens tenanciers anglais, qui, selon le baron Gilbert et le docteur Blackstone, doivent plutôt être regardés comme les baillis[2] du propriétaire, que comme des fermiers proprement dits, étaient vraisemblablement des tenanciers de la même espèce.

À cette espèce de tenanciers succédèrent, quoique lentement et par degrés, les fermiers proprement dits, qui firent valoir la terre avec leur propre capital, en payant au propriétaire une rente fixe. Quand ces fermiers ont un bail pour un certain nombre d’années, ils peuvent quelquefois trouver leur intérêt à placer une partie de leur capital en améliorations nouvelles sur la ferme, parce qu’ils peuvent espérer de regagner cette avance, avec un bon profit, avant l’expiration du bail. Cependant, la possession de ces fermiers fut elle-même pendant longtemps extrêmement précaire, et elle l’est encore dans plusieurs endroits de

  1. Steel-bow tenants. Ce nom vient probablement de la manière dont ils étaient autrefois armés en guerre.
  2. Espèce d’officiers subalternes de justice, comme étaient nos sergents de justice seigneuriale, mais qui de plus faisaient pour le seigneur la collecte des cens, lots, amendes et autres droits, tant fixes que casuels, de la seigneurie.