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Les ouvriers des manufactures n’ajoutent à la chose sur laquelle ils exercent leur industrie qu’une valeur précisément égale à ce qu’ils ont consommé ou pu consommer pendant la durée de l’ouvrage. Cette observation est juste ; mais que peut-on en conclure ? Qu’il s’est opéré une sorte d’échange au moyen duquel les aliments consommés par les ouvriers se trouvent représentés par l’augmentation de valeur résultant de la main-d’œuvre, en sorte que la laine, par exemple, convertie en drap ou en tricot, a gagné justement en valeur, dans cette mutation de forme, ce qu’a dépensé ou pu dépenser l’ouvrier employé à ce travail ; mais s’il est démontré que, sans cet échange, la laine fût restée sans valeur, et que, d’un autre côté, les vivres et autres objets fournis à l’ouvrier pour salaires fussent demeurés sans consommateur, il s’ensuit que cet échange a produit le même effet que s’il eût créé ces deux valeurs, et qu’il a été pour la société une opération infiniment plus avantageuse que si pareille quantité de travail eût été employée à multiplier des produits bruts déjà surabondants. Le premier travail a été vraiment productif ; l’autre aurait été, dans la réalité, stérile, puisqu’il n’en serait pas résulté de valeur.

La terre, ont dit les économistes, est la source de toutes les richesses ; mais pour que cette proposition ne conduise pas à de fausses conséquences, il est nécessaire de l’expliquer. C’est dans le sein de la terre que commencent toutes les richesses ; c’est le travail qui les achève et qui complète leur valeur en les rendant consommables. La terre ne fournit jamais que la matière avec laquelle se forment les richesses, et celles-ci n’existeraient pas sans la main industrieuse qui modifie, divise, assemble, combine les diverses productions de la terre pour les rendre propres à nos usages. Dans le commerce, il est vrai, ces productions encore brutes sont évaluées comme véritables richesses ; mais il ne faut pas perdre de vue qu’elles doivent cet avantage à la certitude qu’a toujours le possesseur d’en faire, à sa volonté, des choses consommables, en les soumettant aux divers degrés de main-d’œuvre qui leur sont nécessaires. Elles n’ont donc qu’une valeur virtuelle, comme celle d’un billet de banque, qui passe comme argent comptant parce que le porteur est assuré de le convertir en espèces réelles quand il lui plaira. La terre recèle des mines d’or et d’argent bien connues, qui ne sont pas exploitées, parce que le produit n’en couvrirait pas la dépense. Ces métaux sont, au fond, de la même nature que ceux dont nos monnaies sont fabriquées ; cepen-