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prochaine aux circonstances actuelles de nos sociétés, et les intérêts de toutes les classes purent y puiser d’utiles leçons.

Les services que ce grand homme rendit à son pays et à tous les peuples civilisés sont inappréciables, mais on ne peut se dissimuler que sa route lui fut indiquée par les économistes français. Ceux-ci avaient habilement creusé un terrain que personne n’avait su défricher avant eux ; Adam Smith est le premier qui ait su lui faire porter des fruits.

En effet, si l’on médite avec attention la doctrine des économistes, on reconnaîtra que le côté faible de ce système, c’est d’avoir trop peu apprécié toute l’influence du travail des arts et manufactures sur la multiplication des richesses. D’après ce qu’ils enseignent, une nation ne pourrait parvenir à un haut degré de prospérité et d’opulence que par une route longue et difficile, qui suppose une persévérance dont les affaires humaines et surtout l’administration publique sont peu susceptibles. L’impôt unique sur les terres, l’affranchissement complet de l’industrie et du commerce de toute entrave, de toute charge étrangère, l’abondance et le bon prix des vivres et des matières premières résultant de ce nouvel ordre de choses, étaient les conditions préalables pour amener une nation à cet état d’aisance et d’activité qui devait lui assurer les moyens de braver la concurrence de toutes les nations étrangères.

Le mot richesse n’est point entendu par Smith dans le même sens que par l’école de Quesnay. Celle-ci semble l’appliquer exclusivement aux produits que la terre multiplie et qu’en suite le travail humain modifie, prépare et dispose pour la consommation. Dans la définition de Smith, les richesses sont toutes les choses propres à satisfaire les besoins ou à procurer à l’homme des commodités et des jouissances. Cette dernière définition s’accorde mieux avec le train habituel de la vie. Nos richesses sont tout ce qui sert à nous nourrir, nous vêtir, nous loger d’une manière plus ou moins agréable et commode, ce qui suppose des produits que l’art a façonnés pour ces différents usages.

En considérant les richesses sous cet aspect, qu’importe que le travail, appliqué à la culture de la terre, produise au delà de ses propres frais des êtres nouveaux qui n’eussent pas existé sans lui, et qu’il ait ce genre d’avantage sur le travail des manufactures et du commerce ? S’ensuit-il pour cela que cette première espèce de travail sera, dans tous les temps, plus profitable que l’autre à la société ? Ce qui con-