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MM. Locke, Law et Montesquieu, ainsi que plusieurs autres écrivains, paraissent s’être imaginé que l’augmentation survenue dans la quantité de l’or et de l’argent, conséquence de la découverte des Indes occidentales espagnoles, était la vraie cause qui avait fait baisser le taux de l’intérêt dans la majeure partie de l’Europe. Ces métaux, disent-ils, ayant baissé de valeur en eux-mêmes, l’usage d’une portion quelconque de ces métaux eut aussi moins de valeur et, par conséquent, le prix qu’il fallait payer pour avoir droit à cet usage dut aussi baisser. Cette idée, qui semble tout à fait plausible au premier coup d’œil, a été si bien approfondie par M. Hume, qu’il est peut-être superflu d’en rien dire. Cependant, un raisonnement très-court et très-simple peut servir encore à faire voir plus clairement l’erreur qui semble avoir fait illusion à ces écrivains.

Il paraît qu’avant la découverte des Indes occidentales espagnoles, le taux ordinaire de l’intérêt dans la majeure partie de l’Europe était à 10 pour 100. Depuis cette époque il est tombé, dans différents pays, à 6, 5, 4 et 3 pour 100. Supposons que dans chaque pays en particulier la valeur de l’argent ait baissé exactement dans la même proportion que le taux de l’intérêt, et que dans le pays, par exemple, où l’intérêt a été réduit de 10 pour 100 à 5, la même quantité d’argent puisse maintenant acheter tout juste en marchandises la moitié de ce qu’elle en aurait acheté auparavant. Je ne crois pas que nulle part on trouve cette supposition conforme à la vérité des choses, mais elle est la plus favorable à l’opinion que nous avons à examiner ; cependant, dans cette supposition même, il est absolument impossible que la baisse de la valeur de l’argent ait la moindre tendance à faire baisser le taux de l’intérêt. Si dans ces pays-là 100 livres aujourd’hui n’ont pas plus de valeur que 50 livres n’en avaient alors, nécessairement aussi, 10 livres n’y ont pas aujourd’hui plus de valeur que 5 n’en avaient alors. Quelles que soient les causes qui fassent baisser la valeur du capital, il faut de toute nécessité qu’elles fassent baisser en même temps celle de l’intérêt, et précisément dans la même proportion. La proportion entre la valeur du capital et celle de l’intérêt sera toujours restée la même, si l’on ne change rien au taux de l’intérêt. En changeant le taux, au contraire, la proportion entre ces deux valeurs se trouve nécessairement changée. Si aujourd’hui 100 livres ne valent pas plus que 50 livres ne valaient alors, 5 livres aujourd’hui ne vaudront pas plus que ne valaient alors 2 livres 10 sous. Ainsi, en réduisant le taux de l’in-