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consistait ordinairement en quelques chétifs bestiaux entretenus en entier par le produit spontané des terres incultes, et qu’on pourrait, en conséquence, regarder eux-mêmes comme faisant partie de ce produit. En général aussi, ils appartenaient au propriétaire, et celui-ci les avançait aux gens qui faisaient valoir la terre. Tout le reste du produit lui appartenait encore, soit comme rente de sa terre, soit comme profit de son mince capital. Les cultivateurs de la terre, en général, étaient des serfs, dont les personnes et les effets composaient aussi sa propriété. Ceux qui n’étaient pas serfs étaient des tenanciers à volonté[1], et, quoique la rente par eux payée ne fût nominalement guère plus qu’un simple cens, elle n’en égalait pas moins réellement la totalité du produit de la terre. En tout temps, leur seigneur pouvait leur commander du travail pendant la paix, et du service pendant la guerre. Quoiqu’ils vécussent loin de sa maison, ils dépendaient autant de lui que les gens de sa suite, vivant chez lui. Or, sans contredit, celui qui peut disposer du travail et du service de tous ceux qu’une terre fait subsister, a bien la totalité du produit de cette terre. Mais, dans l’état actuel de l’Europe, la part du propriétaire ne va guère au-delà du tiers de la totalité du produit, quelquefois pas au quart. La rente de la terre, néanmoins, a dans le fait triplé et quadruplé depuis ces anciens temps, dans toutes les parties de la campagne qui ont été améliorées ; et ce tiers ou quart du produit annuel est, à ce qu’il paraît, trois ou quatre fois plus grand que n’était auparavant le total. À mesure des progrès que fait l’amélioration, la rente augmente bien relativement à l’étendue de la terre, mais elle diminue dans sa proportion avec le produit.

Chez les peuples opulents de l’Europe, on emploie à présent de grands capitaux dans le commerce et les manufactures. Dans l’ancien état de ces pays, le faible et étroit commerce qui s’y faisait, et le petit nombre de fabriques simples et grossières qui y étaient établies, n’exigeaient que de très-minces capitaux. Il fallait pourtant que ces capitaux rendissent de très-gros profits. Nulle part l’intérêt n’était au-dessous de 10 pour 100, et il fallait bien que les profits des fonds pussent suffire à payer un intérêt aussi fort. À présent, dans les pays de l’Europe qui ont fait quelques progrès vers l’opulence, le taux de l’intérêt n’est nulle part plus élevé que 6 pour 100, et dans quelques-uns des plus riches, il est même tombé jusqu’à 4, 3 et 2 pour 100. Si cette partie

  1. C’est-à-dire, des tenanciers que le propriétaire peut renvoyer à sa volonté.