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manque d’argent par l’établissement d’une banque d’une espèce particulière, qui aurait, à ce qu’il paraît, émis du papier jusqu’à concurrence de la valeur de toutes les terres du pays. Il proposa d’abord son projet au parlement d’Écosse, qui ne jugea pas à propos de l’accueillir. Le duc d’Orléans, alors régent de France, l’adopta ensuite avec quelques modifications. L’idée de la possibilité de multiplier le papier-monnaie presque sans bornes fut la véritable base de ce qu’on appela le système du Mississipi, le projet de banque et d’agiotage le plus extravagant peut-être qui ait jamais paru au monde. Les différentes opérations de ce système ont été développées avec tant de clarté et d’étendue, avec tant d’ordre et de sagacité par M. Duverney, dans son Examen des réflexions politiques sur le commerce et les finances de M. Dutot[1], que je n’en rendrai ici aucun compte. Les principes qui furent la base de ce système ont été exposés par M. Law lui-même, dans un Discours sur le commerce et sur l’argent qu’il publia en Écosse, quand il y proposa d’abord son projet. Les idées magnifiques mais imaginaires, qu’on trouve dans cet ouvrage et dans quelques autres, écrits dans les mêmes principes, font encore impression sur beaucoup de gens, et ont peut-être contribué en partie à cette fureur de faire la banque, dont on s’est plaint dernièrement en Écosse et ailleurs.

La plus grande banque de circulation de l’Europe, c’est la banque d’Angleterre. Elle a été érigée en corporation[2], en exécution d’un acte du Parlement, par une charte du grand sceau, en date du 27 juillet 1694. À cette époque elle avança au gouvernement une somme de 1,200,000 livres moyennant une annuité de 100,000 livres, c’est-à-dire, 96,000 livres d’intérêt annuel, sur le pied de 8 pour 100, et 4,000 livres par an pour frais de régie[3]. Il est à croire que le nouveau gouvernement établi par la révolution, avait peu de crédit, pour être obligé d’emprunter à un si haut intérêt.

En 1697, il fut permis à la banque d’augmenter son capital d’un nou-

  1. Le livre de M. Duverney a été imprimé en France en 1740, en 2 vol. in-12 ; celui de M. Dutot l’a été, pour la première fois, en 1738, aussi en 2 vol. in-12. Ce dernier était une réfutation de l’ouvrage de M. Melon, imprimé en 1736.
  2. Formalité qui a pour objet de donner à une association ou compagnie une existence civile et légalement reconnue : ce qui se faisait en France par des lettres patentes enregistrées dans les cours.
  3. Dans les finances d’Angleterre l’usage est, quand on fonde une dette, de fonder en même temps une somme pour les frais de régie.