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La pratique de renouveler ses traites est si bien connue de tous les gens d’affaires, qu’on pourra peut-être regarder comme inutile d’en donner l’explication. Mais comme ce livre peut tomber entre les mains de beaucoup de personnes qui ne sont pas dans les affaires, et comme les effets de cette pratique sur le commerce de banque ne sont peut-être pas généralement sentis, même par les gens qui sont dans les affaires, je vais tâcher de l’expliquer aussi clairement qu’il me sera possible.

Les coutumes établies entre marchands, qui prirent naissance dans le temps où la jurisprudence barbare de l’Europe ne donnait aucune force à l’exécution des contrats, et qui furent adoptées, pendant le cours des deux derniers siècles, dans la législation de toutes les nations européennes, ont attribué aux lettres de change des privilèges si extraordinaires, que l’on avance bien plus volontiers de l’argent sur ces sortes d’effets que sur toute autre espèce d’obligation, surtout quand les lettres de change sont payables à un court terme, comme deux ou trois mois. Si à l’échéance de la lettre l’accepteur ne la paye pas à l’instant de la présentation, il est dès lors en état de banqueroute. La lettre est protestée et revient sur le tireur, qui doit l’acquitter sur-le-champ, ou bien il est aussi pareillement réputé en banqueroute. Si avant de venir entre les mains de la personne qui la présente à l’accepteur pour être payée, elle a passé dans les mains d’autres personnes qui en aient successivement avancé la valeur les unes aux autres en argent ou en marchandises et qui, pour témoigner que chacune d’elles, à son tour, a reçu cette valeur, aient toutes à leur tour endossé la lettre, c’est-à-dire écrit leurs noms au dos, chaque endosseur devient, à son tour, garant du montant de la lettre envers le porteur et, faute de payement, est aussi, dès ce moment, réputé en banqueroute. Quoiqu’il se puisse faire que le tireur, l’accepteur et les endosseurs de la lettre de chaque soient tous d’un crédit douteux, cependant la brièveté du terme de l’échéance donne toujours quelque confiance au porteur. Quand même il serait vraisemblable que toutes ces personnes finiront par faire banqueroute, ce serait grand hasard si dans un temps si court elles allaient toutes faillir. Le logement menace ruine, dit en soi-même un voyageur fatigué, et vraisemblablement il ne durera pas longtemps ; mais il y aurait bien du malheur si on ne pouvait pas risquer d’y passer une nuit.

Supposons que A, négociant à Édimbourg, tire sur B de Londres une lettre de change payable à deux mois de date. Dans la réalité, B de Londres ne doit rien à A d’Édimbourg, mais il consent d’accepter la