Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion de l’empire russe a quadruplé de ce qu’elle était auparavant.

Colbert[1], doué d’une infatigable activité, et impatient d’ajouter un nouvel éclat à la gloire et à la puissance de son maître, se laissa séduire par les illusions du système manufacturier. Ce ministre employa tous les moyens qui étaient à sa disposition pour attirer vers le travail des manufactures une partie du capital français, qui se trouva ainsi détournée de la pente naturelle qui la portait vers le progrès de la culture et l’amélioration des terres. Il voulut, à force de règlements et de mesures de gouvernement, hâter une maturité dont l’époque n’était pas encore venue, et qu’il eût été plus sage d’attendre. Il renchérit même sur le système anglais, qui commençait déjà à se relâcher sur quelques points, car les nouveaux métiers qui s’étaient introduits postérieurement aux statuts d’Élisabeth ne furent point assujettis aux entraves de la maîtrise. Ce fut Colbert qui imagina de prescrire aux manufacturiers, par des ordonnances, jusques aux procédés de la fabrication, la largeur des étoffes, le nombre de fils à observer dans la chaîne et dans la trame, et jusques aux plus petits détails de leur ouvrage. L’activité actuelle de nos manufactures, dans tous les genres, démontre assez que l’industrie française pouvait se passer de ces encouragements extraordinaires, et l’admirable perfection qu’acquièrent tous les jours les produits de nos fabriques témoigne toute l’inutilité de cette police réglementaire et minutieuse, qui avait la prétention d’enseigner à nos fabricants comment ils devaient travailler pour plaire aux consommateurs et s’assurer un débit avantageux.

Pour les hommes chargés de la direction des affaires publiques,

  1. L’habileté de Colbert est encore aujourd’hui un problème, parce qu’elle est exaltée et ravalée par les écrivains de nos jours, selon l’opinion qu’ils ont à soutenir. Pour bien juger des talents et de la capacité d’un ministre, il faut consulter les actes de son administration. Le marché que fit Colbert, en 1674, pour faire fabriquer des pièces d’argent de 4 sous à un titre d’un 5e de fin au-dessous des écus d’argent et des quarts d’écu dont elles étaient des coupures, est une opération qui décèle la plus profonde ignorance des premiers principes du régime des monnaies, l’une des parties les plus importantes du ministère des finances. On peut voir dans le Traité historique des monnaies, par Leblanc (pag. 308 et suiv., édition d’Amsterdam), tous les détails de cette affaire ; les réclamations bien motivées qui furent présentées au ministre, et dont il ne tint aucun compte ; les abus qu’entraîna cette mauvaise mesure, sur laquelle on ne revint que lorsqu’elle eut causé d’énormes pertes au public et au trésor, au profit de quelques traitants.