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de garder par devers lui une somme d’argent considérable, ou dans sa caisse ou dans celle de son banquier, qui ne lui en paye point d’intérêt. Supposons que cette somme s’élève à 500 livres, la valeur des marchandises qu’il a en magasin sera toujours de 500 livres moindre qu’elle n’eût été s’il n’avait pas été obligé de garder cette somme sans pouvoir l’employer. Supposons encore qu’en général la totalité de son capital lui rentre une fois par an, ou que les marchandises qui composent la valeur de tout son capital soient toutes débitées dans le cours d’une année ; étant forcé de garder une si grosse somme sans emploi, nécessairement dans le cours d’une année il vendra pour 500 livres de moins de marchandises qu’il n’aurait fait sans cela. Ses profits annuels seront nécessairement moindres de tout ce que lui eût valu la vente de 500 livres de plus de marchandises ; et le nombre de gens occupés à préparer et à mettre en état de vente ses marchandises sera aussi nécessairement moindre de toute la quantité qu’un capital de 500 livres aurait pu employer de plus. Le marchand d’Édimbourg, au contraire, ne gardera pas d’argent sans emploi pour faire face à ces demandes du moment. Quand elles lui surviennent, il y fait honneur sur son compte courant avec la banque, et il remplace successivement la somme empruntée avec l’argent ou le papier qui lui rentre de ses ventes journalières. Ainsi, avec un même capital, il peut avoir sans imprudence, dans tous les temps, en magasin, une plus grande quantité de marchandises que le marchand de Londres, et par ce moyen il peut à la fois faire personnellement un plus gros profit, et tenir encore constamment employés un plus grand nombre de travailleurs pour la préparation de ses marchandises ; de là le grand avantage que le pays a retiré de ces sortes d’opérations.

On pourrait croire, en vérité, que la faculté qu’ont les négociants de Londres d’escompter les lettres de change leur procure le même avantage que les comptes courants aux négociants écossais. Mais il faut songer que les négociants d’Écosse ont, tout comme ceux de Londres, la facilité d’escompter et qu’ils ont, en outre, la commodité des comptes courants[1].

  1. M. Ricardo a contesté celle proposition. « Des comptes courants, fait-il observer, sont des crédits accordés par les banquiers écossais à leurs clients, en surplus des billets qu’ils escomptent pour eux ; mais comme les banquiers, à mesure qu’ils avancent de l’argent d’un côté et l’envoient en circulation, s’ôtent le moyen d’en envoyer autant d’un autre côté, on ne voit pas trop en quoi consiste l’avantage. Si un million de papier suffit à la circulation, un million seulement pourra circuler. Il importe peu aux banquiers ou aux marchands que la totalité soit payée en escomptant des billets, ou qu’une partie seulement soit payée ainsi, et que le reste soit émis par le moyen de ces comptes courants. (Principles of political Economy, 1re édit., p. 515.)
    L’avantage d’un compte courant ne consiste pas réellement en ce qu’il permet à un banquier d’étendre ses avances à ses clients ; mais il consiste dans l’extrême facilité avec laquelle il permet de faire ces avances, et c’est ce qui a échappé à M. Ricardo…
    Il est singulier toutefois que, malgré l’avantage des comptes courants, le montant des billets des banques d’Écosse, émis par le moyen des comptes courants, soit très-faible, la huitième ou dixième partie seulement des billets émis pour l’escompte des billets.
    Voyez le témoignage de H. Gilechrist, dans l’appendice au rapport des Communes sur les moyens de reprendre les payements en espèces en 1819, p. 216 ; voyez aussi le témoignage de M. Kinnear, dans l’appendice au rapport du comité sur let billets d’Écosse en 1826, p. 140. Mac Culloch.