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fallait vendre, c’était d’eux qu’il fallait acheter. On ne se contenta pas encore de leur assurer la pratique de leurs compatriotes vivants, un acte du Parlement de 1678 prescrivit que les morts fussent ensevelis dans une étoffe de laine.

Le résultat de ce système fut sans doute une très-grande accumulation de richesses matérielles ; mais quels devaient être à la longue les effets d’une telle politique sur la population, la force et la puissance réelle de la nation manufacturière, relativement à celles des pays avec lesquels elle entretenait des relations de commerce ?

L’industrie anglaise, forcée, par les bornes étroites de son territoire, d’économiser le nombre des bras qu’elle salarie, a tourné tous ses efforts vers la recherche des moyens propres à rendre le travail manufacturier plus productif. Une division du travail très-habilement distribuée et un grand nombre de machines ingénieuses ont donné au travail de cette nation une supériorité marquée sur celui des autres peuples, en sorte que dans les échanges qu’elle fit avec l’étranger, il fut ordinaire que le produit d’une journée de son travail se trouvât être l’équivalent du produit de deux ou trois journées d’un autre. On sent combien, dans de telles opérations, elle dut gagner sur la valeur qu’elle recevait en échange, sans que le peuple avec lequel elle traitait éprouvât pour cela aucune perte, puisque la chose que celui-ci recevait de l’Angleterre valait en réalité pour lui le nombre de journées qu’elle lui eût coûté à faire, s’il l’eût fabriquée lui-même. Mais pour que les Anglais obtiennent ces grands bénéfices, il faut qu’ils échangent du produit manufacturé contre du produit brut ; aussi repoussent-ils le plus qu’ils peuvent tout produit manufacturé par des mains étrangères, et ne demandent-ils aux autres que des produits bruts. Or, ce dernier genre de produit ne peut se multiplier dans un pays qu’avec l’aide d’une nombreuse population, et encourager dans ces pays, par des demandes, la multiplication des produits bruts, c’est nécessairement y encourager de la manière la plus efficace la culture et la population. Donc les transactions commerciales que fait l’Angleterre avec les autres nations tendent à encourager chez celles-ci la multiplication des hommes et des subsistances, tandis que ces mêmes transactions produisent un effet tout contraire dans son intérieur, en excitant de plus en plus les fabricants à manufacturer le plus de produits bruts possible avec le plus petit nombre possible de bras. Cette direction forcée de l’industrie