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la prospérité de l’Angleterre, comme pour celle de la colonie, cette séparation et cette indépendance tant redoutées. (Liv. IV, chap. vii.)

Un autre système qui se rattache au système commercial, mais qui se soutient par des moyens différents, c’est le système manufacturier, qui se propose de favoriser et d’encourager les manufactures du pays par toutes les mesures de contrainte qui sont au pouvoir du gouvernement, afin de faire acquérir aux produits de ces manufactures un degré de perfection ou de bas prix qui leur assure constamment la préférence dans tous les marchés étrangers, sans toutefois prétendre diminuer chez ces nations étrangères le moyen de payer ces produits avec des équivalents, ce qui eût fait manquer le but principal qu’on avait en vue.

Ce système, dont la seule énonciation montre l’absurdité, fut adopté et suivi en Angleterre avec une grande persévérance sous le règne d’Élisabeth. Les vues de la législation furent dirigées sans relâche vers cet objet. On créa des corporations et jurandes, dans lesquelles l’ouvrier n’était admis qu’après un temps prescrit d’apprentissage sous un maître privilégié, et en présentant un échantillon de son travail qui pût attester son habileté. Les agrégés aux maîtrises avaient exclusivement le droit d’exercer leur genre d’industrie, et ils étaient autorisés à faire punir quiconque se permettrait de travailler, sans leur aveu, dans le métier qui leur était réservé. Les produits des manufactures étrangères furent sévèrement prohibés, mais on laissa entrer les matières premières propres à employer les manufactures nationales ; même quand on craignit que ces matières premières ne fussent pas en assez grande abondance pour tenir en activité tous les ouvriers, il fut accordé une prime pour l’importation de ces articles. Par le même motif, les matières premières produites dans l’intérieur y furent retenues par des prohibitions de sortie et des mesures encore plus violentes. La tentative d’exporter une brebis fut un crime capital, et le simple transport des laines dans le voisinage des côtes fut soumis à la plus active surveillance. Ainsi les droits les plus respectables, ceux pour la garantie desquels l’état social est principalement institué, le droit de disposer de ses bras, de son industrie, de sa propriété, à son plus grand avantage, et comme on l’entend, tout fut sacrifié à la classe des manufacturiers incorporés, et on ne balança pas même à leur subordonner les intérêts de l’agriculture. C’était à ces manufacturiers qu’il