Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/387

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de laine aurait acheté, dans ces temps anciens, deux fois la quantité de subsistance qu’elle achèterait à présent et, par conséquent, deux fois la quantité de travail, si dans l’une et l’autre de ces deux périodes la récompense du travail eût été la même[1].

Cette dégradation, tant dans le prix nominal que dans le prix réel des laines, n’aurait jamais pu arriver dans le cours naturel des choses. Aussi, a-t-elle été l’effet de la contrainte et de l’artifice. Elle procède : 1° de la prohibition absolue d’exporter de la laine d’Angleterre[2] ; 2° de la permission de l’importer de l’Espagne sans payer de droits ; 3° de la défense de l’exporter de l’Irlande en tout autre pays qu’en Angleterre[3]. En conséquence de ces règlements, le marché pour la laine

  1. Il y a de fortes raisons de douter de l’exactitude des prix sur lesquels le Dr Smith raisonne avec confiance, et toutes les comparaisons de ce genre avec le passé ne sont que de pures conjectures. Ainsi, d’après certains documents réunis par Smith, il paraîtrait que le prix du blé est tombé quelquefois à 1 schelling le quarter, pour s’élever à 4 livres sterling et 16 schellings, ou même à plus de 6 livres 8 schellings. De pareilles fluctuations sont évidemment impossibles. Une hausse de prix de 128 pour cent, fût-elle le résultat d’un très-long espace de temps, aurait été la preuve d’une disette aussi funeste que la famine, et l’on n’en trouve la preuve dans aucun document authentique. Buchanan.

  2. Les lois sur la laine dont parle ici Adam Smith ont toutes été abrogées en Angleterre. La laine peut être importée et exportée librement moyennant un denier ou penny par livre, si elle vaut 1 schelling la livre, et 1/2 denier, soit environ 6 centimes par livre, si elle est au-dessous de ce prix. A. B.
  3. En déclarant que les lois qui prohibent l’exportation de la laine ont contribué à en maintenir le prix dans des limites inférieures, le Dr Smith attribue, comme d’ordinaire, de trop grands effets aux mesures artificielles de la législation, quoique ses propres principes suffisent pour démontrer que dans les circonstances actuelles du pays le prix de la laine ne peut avoir été que légèrement modifié par des restrictions de ce genre. Son argument est que le marché national étant encombré de laines par l’effet de la prohibition qui menace l’exportation, elles doivent être violemment maintenues au-dessous de leur prix naturel. Il déclare aussi que la permission d’importer les laines espagnoles en franchise, en ajoutant à la concurrence sur le marché national, a dû fortement seconder cette modicité dans leur prix. Mais si les laines espagnoles ont été importées, n’est-il pas clair que c’est en raison de l’insuffisance de l’approvisionnement national, et que la loi prohibant l’exportation ne pourrait des lors produire aucun mal réel ? Car en effaçant la prohibition, il n’est pas vraisemblable qu’on eût expédié des laines hors d’un pays qui n’en produisait pas une quantité suffisante pour sa propre consommation.
    D’ailleurs, l’approvisionnement ne répondant pas à la demande dans le pays, ta marchandise a dû nécessairement, et indépendamment de l’exportation, atteindre un prix très-favorable, sans lequel le marché n’eût pu être pourvu par l’étranger. Buchanan.