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brer son vaisseau de marchandises, il se fait solder en argent comptant, qui, de tous les articles commerçables, est le plus sûr et le plus commode, attendu qu’il est reçu en tout pays, et qu’en outre il rapporte toujours quelque profit à son maître, quand celui-ci juge à propos de s’en défaire. »

Lorsque l’empire romain fut démembré et que ses provinces furent envahies par les peuples du Nord, on ne reconnut plus dans le pays conquis de propriété privée. Le souverain du peuple conquérant était alors réputé seul propriétaire du territoire sur lequel il régnait ; il en conférait les domaines à titre de bénéfice, soit ecclésiastique, soit militaire. Ce ne fut que lorsque les seigneurs titulaires usurpèrent la propriété de leurs bénéfices, en les convertissant en hérédité masculine et de primogéniture, et lorsqu’ils établirent le régime féodal, qu’il commença à exister de nouveau dans ces pays des propriétés particulières, mais d’une nature inconnue aux ouvriers. Pendant cette longue période de troubles et d’anarchie, qui forme l’âge de la féodalité, durant laquelle il n’y eut d’autre garantie pour la sûreté des personnes et des propriétés que la voie des armes, où les routes et les marchés n’étaient sous la protection d’aucune force publique, où les marchands qui se rendaient aux foires étaient pillés, ou tout au moins rançonnés sur chaque domaine qu’ils avaient à traverser, le gouvernement royal n’était occupé qu’à se défendre contre les grands vassaux ligués contre son autorité, et qui lui disputaient tour à tour quelque portion de ses États. Ce ne fut guère qu’au seizième siècle, lorsque enfin, par la force des choses et la réunion d’intérêts entre le monarque et ses peuples, qui, comme lui, ne voulaient connaître qu’un seul maître, il s’établit dans les différentes contrées de l’Europe une forme de gouvernement plus centralisée et plus régulière, que le prince songea à se créer une source constante de revenu public, en fournissant à ses sujets tous les moyens d’accroître leur fortune particulière.

Le moyen qui sembla généralement le plus court et le plus sûr pour enrichir les particuliers, celui vers lequel se tournèrent d’abord tous les regards, ce fut le commerce étranger. C’était une opinion universellement reçue, et qui remontait même jusques aux âges de l’antiquité, que le commerce au loin était la source de richesses la plus abondante. Tous les auteurs anciens se réunissent pour témoigner que les peuples qui s’étaient livrés au commerce étaient bientôt