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comme un tribut imposé sur les labours de la Sicile. Aussi, quand les Romains avaient besoin de requérir plus de blé que le montant des dîmes, ils devaient payer le surplus, ainsi qu’ils s’y étaient engagés par capitulation, sur le pied de 4 sesterces ou 8 deniers sterling le modius ; et ce prix avait été sans doute regardé comme le prix modéré et raisonnable, c’est-à-dire le prix de contrat moyen et ordinaire de ce temps-là ; il revient à environ 2 sch. le quarter. Or, le prix de contrat ordinaire du blé d’Angleterre, qui, en qualité, est inférieur au blé de Sicile, et se vend, en général, à un plus bas prix dans le marché de l’Europe, était de 28 sch. le quarter avant les dernières années de cherté. Ainsi, la valeur de l’argent, dans ces temps anciens, doit avoir été, à sa valeur actuelle, dans la valeur inverse de 3 à 4, c’est-à-dire que 3 onces d’argent auraient alors acheté la même quantité de travail et de choses consommables que 4 onces en achèteraient aujourd’hui. Lors donc que nous lisons dans Pline[1] que Seius acheta un rossignol blanc pour en faire présent à l’impératrice Agrippine, au prix de 6,000 sesterces, valant environ 50 livres de notre monnaie, et qu’Asinius Celer[2] acheta un surmulet 8,000 sesterces, valant environ 66 liv. 13 sch. 4 den. de notre monnaie, toute surprenante que nous paraisse l’élévation prodigieuse de ces prix, nous la voyons pourtant encore, au premier coup d’œil, d’un tiers au-dessous de ce qu’elle était réellement. Le prix réel de ces deux choses, la quantité de travail et de subsistances qu’on a cédée pour les avoir, était encore d’un tiers environ plus fort que ce que nous exprime aujourd’hui le prix nominal. Seius céda pour le rossignol le droit de disposer d’autant de travail et de subsistances qu’en pourraient acheter maintenant 66 liv. 13 sch. 4 den. ; et Asinius Celer, pour son surmulet, se dessaisit du pouvoir d’en commander autant qu’en achèteraient aujourd’hui 88 liv. 13 sch. 9 den. 1/3. L’élévation excessive de ces prix provenait bien moins d’une abondance d’argent que de l’abondance de travail et de subsistances que ces deux Romains avaient à leur disposition, au-delà de ce qu’exigeait leur consommation personnelle ; mais la quantité d’argent qu’ils avaient à leur disposition était beaucoup moindre que celle que leur procurerait aujourd’hui la faculté de commander une pareille quantité de travail et de subsistances.

  1. Histoire naturelle, liv. X, chap. xxix.
  2. Histoire naturelle, liv. IX, chap. xvii.