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biter à ce haut prix la totalité de l’importation annuelle. L’argent dut s’échanger successivement contre une quantité de marchandises toujours de plus petite en plus petite ; son prix dut baisser graduellement de plus bas en plus bas, jusqu’à ce qu’il fût tombé à son prix naturel, c’est-à-dire à ce qui était précisément suffisant pour acquitter, suivant leurs taux naturels, les salaires de travail, les profits de capitaux et la rente de terre qu’il faut payer pour que ce métal vienne de la mine au marché. On a déjà observé[1] que, dans la plus grande partie des mines d’argent du Pérou, la taxe du roi d’Espagne, s’élevant à un dixième du produit total, emporte en totalité la rente de la terre. Cette taxe était originairement de moitié ; elle tomba bientôt après au tiers, ensuite au cinquième, et enfin au dixième, taux auquel elle est restée depuis. Cette taxe représente, à ce qu’il semble, dans la plus grande partie des mines d’argent du Pérou, tout le bénéfice qui reste après le remplacement du capital de l’entrepreneur, avec ses profits ordinaires ; et c’est une chose généralement reconnue, que ces profits, qui étaient autrefois très-hauts, sont maintenant aussi bas qu’ils peuvent l’être, pour que son entreprise puisse se soutenir.

En 1504[2], quarante et un ans avant 1545, époque de la découverte des mines du Potosi, la taxe du roi d’Espagne fut réduite à un cinquième de l’argent enregistré. Dans le cours de quatre-vingt-dix ans, ou avant 1636, ces mines, les plus fécondes de toute l’Amérique[3], avaient eu tout le temps de produire leur plein effet, ou de réduire la valeur de l’argent dans le marché de l’Europe aussi bas qu’elle pouvait tomber, tant que ce métal continuait de payer cette taxe au roi d’Espagne. Un espace de quatre-vingt-dix ans est un temps suffisant pour réduire une marchandise quelconque qui n’est pas en monopole à son taux naturel ou au prix le plus bas auquel, tant qu’elle paye une taxe particulière, elle peut continuer de se vendre pendant un certain temps de suite.

Le prix de l’argent, dans le marché de l’Europe, aurait encore peut-être baissé davantage, et il aurait été indispensable, ou de réduire encore la taxe

  1. Voyez ci-dessus, section 2e de ce chapitre.
  2. Solorzano, vol. II.
  3. Le Potose n’a plus cet avantage. Les mines de Guanaxuato, au Mexique, découvertes en 1700, ont été environ deux fois aussi abondantes que celles du Potose. Voyez Humbolt : Essai politique sur la nouvelle Espagne, tom. III, p. 377. Mac Culloch.