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changeront naturellement contre une plus grande quantité de subsistances dans un pays riche que dans un pays pauvre ; dans un pays où les subsistances abondent, que dans un pays qui n’est que médiocrement fourni. Si les deux pays sont à une grande distance l’un de l’autre, la différence pourra être très-grande, parce que, quoique les métaux soient naturellement attirés du marché le moins avantageux vers celui où ils trouvent le plus d’avantages, cependant il peut y avoir de la difficulté à les y transporter en quantité suffisante pour que les prix s’équilibrent à peu près dans les deux marchés. Si les pays sont rapprochés, la différence sera moindre, et quelquefois même elle sera à peine sensible, parce que, dans ce cas, le transport sera facile. La Chine est un pays bien plus riche qu’aucune contrée de l’Europe[1], et la diffé-

    soin de reconnaître quel rôle joue dans un échange chacune des marchandises qui y concourent. Ainsi, dans l’hypothèse que nous offre M. Ricardo, il peut très-bien arriver qu’une livre pesant d’argent achète, en Espagne, un quintal d’une espèce de laine, tandis que le même poids d’argent, en Angleterre, n’achètera que 95 livres de cette même sorte de laine. Que doit-on en conclure, si l’on tient à la doctrine enseignée par Adam Smith ? C’est que la laine, en Espagne, est à meilleur marché qu’en Angleterre, non pas seulement de 5 pour 100, mais encore de toute la différence du prix de l’argent dans ces deux pays. On pourra avec assurance partir de ce point, qu’une livre d’argent transportée en Angleterre, et y étant venue d’Espagne, chargée du fret et de l’assurance, y a plus de valeur réelle qu’elle n’en avait en Espagne ; et cependant cette livre d’argent ainsi renchérie, n’achetant que 95 livres d’une laine dont on a eu en Espagne 100 livres pour un pareil poids d’argent, la conséquence nécessaire est que la différence du prix de la laine en Angleterre est sensiblement de plus de 5 pour 100 avec cette même laine en Espagne. Si, au contraire, on se borne à la théorie de M. Ricardo, on ne saura autre chose, sinon que, dans ce marché, la laine en Espagne gagne 5 pour 100 sur son prix en Angleterre, mais on n’aura aucun moyen de connaître si la différence des deux prix procède du fait de l’argent ou du fait de la laine, ni pour quelle quantité chacune des deux marchandises concourt à opérer cette différence. Je ne puis pas accorder à M. Ricardo que la distinction présentée par Smith soit vide de sens, et dépourvue d’utilité. Garnier.

  1. Smith s’est formé cette idée des richesses de la Chine d’après le rapport des premiers voyageurs, et particulièrement des jésuites. Des rapports plus récents et plus authentiques nous montrent que la Chine, au lieu d’être un pays riche, est en réalité un pays pauvre et mal cultivé. La population y est excessivement surabondante, et la pauvreté et la misère y règnent à un degré inconnu en Europe, à l’exception de l’Irlande. Mac Culloch.